Au mot Agriculteur, la société associe traditions identité, racines, territoires, qualité, paysage. Pourtant même si ces éléments forment un socle de ce métier, la réalité du monde agricole est tout autre. L’agriculteur, est un homme ou une femme moderne, de son époque, chef d’entreprise, interagissant avec la société, avide de technologies, à l’écoute des attentes sociétales et de l’adéquation de son métier pour nourrir les hommes.
Le 15 juin dernier, à l’occasion de son assemblée générale, Safagr’iDées a célébré ses 150 ans d’existence et organisé une conférence sur le thème du progrès au XXIème siècle. Un ouvrage rassemblant 150 idées pour l’avenir de l’agriculture a été diffusé.
Commande et renseignements sur www.safagridees.com
Benoit Piètrement et Francois Jacques, Secrétaires généraux adjoints de l’AGPB ont souhaité porté 2 idées au sein de cet ouvrage pour apporter la voix des producteurs. Retour sur ces 2 contributions.
VERS UN PLAN MARSHALL POUR L’AGRICULTURE FRANÇAISE ?
Benoit Piètrement, agriculteur de la Marne
Les agriculteurs français en ont fait la dure expérience durant la moisson 2016 : le climat est la principale variable extérieure qui a la capacité d’impacter à la fois le volume et la valeur de la production par son influence sur les marchés mondiaux. Dans plusieurs zones du monde pourtant, l’impact du climat est depuis longtemps une préoccupation constante des populations et de leur gouvernement. Un peuple qui a faim est un peuple instable et prompt à fuir et migrer vers des terres plus fertiles. De nombreux plans de relance ou d’investissement dans l’agriculture ont vu le jour en Egypte, au Maroc, en Inde, une façon pertinente de fixer les peuples en s’attaquant aux racines du mal. Alors pourquoi n’est-on pas capable également en France d’engager un vaste programme de développement et d’investissement. Nous sommes fiers de notre ruralité, de nos paysages façonnés par les hommes, de notre gastronomie, de la qualité et de la diversité des produits mais incapables d’encourager nos agriculteurs à « Produire Plus et Produire mieux ». Le desserrement de l’étau règlementaire serait l’une des premières mesures phare d’un plan de relance de l’agriculture française, une révision et mise en cohérence de tout le millefeuille réglementaire auquel ils sont soumis.
Deuxième mesure à prendre : donner la pleine capacité aux agriculteurs d’anticiper les aléas climatiques et économiques, avec des instruments pluriels alliant soutiens européens, l’épargne de précaution, et systèmes assurantiels. Face aux éléments non maitrisables, les agriculteurs doivent retrouver la visibilité nécessaire pour avoir confiance en l’avenir. Enfin, redonner au secteur agricole les moyens nécessaires pour investir dans l’innovation de demain, moderniser, développer de nouveaux modèles économiques.
Des défis majeurs à relever à l’avenir pour remettre l’agriculture aux premiers rangs des fleurons de l’économie française.
REINVENTER LA COOPERATION TERRITORIALE EN AGRICULTURE
François Jacques, agriculteur de Meurthe et Moselle
Les agriculteurs ne comprennent plus l'apporche administrée de l'environnement : taux de SIE (Surface d’intérêt écologique), largeurs des haies, bandes enherbées, zone de non traitement... De surcroit, les mesures agroenvironnementales et climatiques qui ont la vocation première d’accompagner le changement vers des pratiques plus vertueuses, ont été détournées vers des cahiers des charges normatifs, indemnisant uniquement les nouvelles contraintes sans engager l’agriculteur dans un système plus résilient. Le taux d'adhésion faible aujourd’hui en grandes cultures montre bien l’incompatibilité du système entre la nécessaire gestion des équilibres du vivant, et les compensations proposées.
Et si on changeait cette logique culpabilisante à l’exploitation en une approche responsabilisante et territoriale, « gagnante/gagnante » ?
Produire plus, produire mieux peut se concevoir à l'échelle d'un territoire rural avec une approche réfléchie de façon plus globale pour concilier activité agricole dynamique et le mieux vivre ensemble.
De multiples solutions sont envisageables aujourd’hui : restructurer globalement le parcellaire à l’échelle d’un territoire pour accroitre la biodiversité dans les surfaces les plus contraignantes à travailler tout en optimisant les pratiques culturales. La réorganisation de chemins ruraux concoure également à améliorer la circulation des engins agricoles aux abords de villages tout en proposant aux promeneurs des aménagements paysagers plus attractifs et aux agriculteurs une organisation de l’assolement plus rationnelle. Ce sont quelques exemples de cette intelligence collective à encourager localement pour gagner en compétitivité dans les exploitations.
Bien plus que la rémunération de services environnementaux, cette approche territoriale est une démarche « gagnant / gagnant » en agriculture, un vrai pari d'avenir à initier.