La suspension des droits sur les importations d’urée vient enfin d’être décidée au niveau européen. C’est le résultat d’une mobilisation sans faille de l’AGPB aux côtés de la FNSEA et du COPA-COGECA depuis 2 ans. Une bonne nouvelle dans son principe, mais qui aurait dû intervenir bien plus tôt pour tenir compte des réalités du terrain et des difficultés des agriculteurs pendant la campagne en cours. Un retard de prise de conscience politique illustré également par la durée de la mesure : six mois bien trop courts pour réellement bénéficier aux agriculteurs. Les céréaliers restent mobilisés pour prolonger et étendre cette suspension à l’ensemble des engrais azotés et phosphorés.
A la suite des demandes répétées des agriculteurs européens depuis octobre 2021, la Commission européenne avait fini par publier le 19 juillet 2022 une proposition de suspension des droits de douane à l’importation d’urée (6,5%) et d’ammoniac (5,5%) en provenance de tous les pays sauf la Russie et le Belarus.
Le Conseil des ministres de l’UE vient finalement d’approuver cette proposition après presque 5 mois d’attente puis de discussions entre Etats membres.
Même si l’AGPB, la FNSEA et le Copa-Cogeca peuvent se féliciter d’avoir enfin été entendus, ce règlement (UE) 2022/2465 arrive trop tard pour cette saison et sa durée a été limitée par le Conseil puisqu’au lieu d’être en vigueur pour 2 ans (fin 2024), il est valable pour 6 mois à compter du 16 décembre 2022.
Au plus tard le 17 mai 2023, la Commission doit soumettre une évaluation des conséquences de la suspension et proposer, le cas échéant, sa prolongation.
Dans le souci de ménager les producteurs d’engrais européens et pour ne pas paraître contredire ses objectifs affichés d’autonomie stratégique (limiter les importations) et de réduction de la consommation d’engrais, la Commission européenne avait d’abord limité son initiative en termes de produits, puisque l’urée est le seul engrais concerné. A la demande de certains Etats membres dont la France, le Conseil européen a rendu cette mesure purement symbolique puisqu’elle ne sera en vigueur, du moins dans un premier temps, que de décembre à juin.
Les agriculteurs français et européens ont subi depuis le début 2021 une crise sans précédent sur le marché des engrais, avec des prix multipliés par trois pour l’azote et des difficultés d’approvisionnement majeures pendant les printemps et les étés de 2021 puis 2022. Outre son impact sur la situation financière des agriculteurs, une des conséquences de cette crise aura été une baisse de 8% des livraisons d’azote en France pour 2021/2022, de 23% pour le phosphore et de 24% pour le potassium, ce qui a probablement contribué à la diminution des volumes de céréales récoltées en 2022. Une nouvelle baisse des utilisations d’engrais est prévisible au printemps 2023, avec un impact négatif possible sur le volume des récoltes, l’équilibre du marché céréalier et la sécurité alimentaire.
Les prix des engrais, bien qu’encore élevés, sont désormais à la baisse depuis le mois d’octobre. Et comme l’essentiel des importations d’urée de morte saison a maintenant été livré ou commandé au prix fort, et que le volume des livraisons du printemps 2023 sera limité par les contraintes logistiques, la suspension des droits, trop tardive, n’aura aucun effet sur la campagne d’approvisionnement actuelle (juillet 2022 à juin 2023).
Si la crise des engrais se répète durant la campagne prochaine (juillet 2023 à juin 2024), il sera nécessaire que la mesure de suspension des droits soit prorogée, puisqu’elle cesse de s’appliquer le 17 juin 2023. Et la Commission aura bien du mal à « évaluer » son impact d’ici mai 2023, puisque précisément, elle n’en aura eu aucun.
Les céréaliers français restent mobilisés pour mettre fin aux graves dysfonctionnements qui affectent le marché européen des engrais. Ils demandent que la suspension des taxes à l’importation des engrais soit prolongée et étendue à l’ensemble des engrais azotés et phosphorés.