Alors que les producteurs de grandes cultures alertent depuis des mois sur une crise économique d’une gravité inédite qui voit l’effondrement de leurs revenus, ils ont été reçus en urgence hier par la ministre de l’Agriculture. Si Annie Genevard a annoncé vouloir porter à Bruxelles l’activation de la réserve de crise européenne, l’exclusion des engrais du MACF et la mise en place d’aides ciblées, c’est surtout l’ensemble de la politique agricole nationale et européenne qui doit maintenant être interrogé sans concessions…

Pour la troisième année consécutive, l’OTEX 15 – les exploitations spécialisées en céréales et oléagineux – enregistre un revenu courant avant impôt par actif négatif. Cette situation n’est plus conjoncturelle : elle révèle une fragilisation profonde de l’ensemble des filières grandes cultures – blé, maïs, oléo-protéagineux, betteraves, pommes de terre – résultant de l’accumulation de choix politiques nationaux et européens qui ont contraint la production, comprimé les marges, alourdi les charges, laissé nos productions exposées à une concurrence internationale sans filet et durablement érodé la compétitivité des exploitations. Les grandes cultures sont désormais engagées dans une trajectoire de quasi-faillite nationale.

C’est dans ce contexte grave que les représentants de l’AGPB, de l’AGPM, de la CGB, de la FOP et de l’UNPT ont été reçus hier soir par la ministre de l’Agriculture. Si celle-ci a indiqué vouloir demander l’activation de la réserve de crise européenne pour les grandes cultures, cibler un dispositif d’allégements de charges et plaider l’exclusion des engrais du MACF, ces engagements ne suffiront que s’ils s’inscrivent dans un changement clair de cap. La responsabilité de la crise actuelle dépasse le seul ministère de l’agriculture : elle relève de l’ensemble des politiques publiques qui impactent les exploitations de grandes cultures, de la régulation commerciale européenne aux règles environnementales, en passant par la fiscalité et le soutien aux facteurs de production.

L’échéance du 1er janvier 2026, avec l’application du MACF sur les engrais, porte l’urgence à son comble. La ministre de l’agriculture le dit elle-même « la meilleure neutralisation est l’exemption ou le report ». Sans suspension immédiate par la Commission européenne, la taxe fera exploser le coût des fertilisants – avec un impact estimé à 500 M€ pour les grandes cultures – et des trésoreries déjà exsangues ne pourront encaisser le choc : il n’existe plus aucun amortisseur ! Sans décision rapide, les arrêts de production en grandes cultures seront inévitables et la perte de capacité agricole pour le pays, irréversible.

Les associations spécialisées de la FNSEA demandent instamment tant au Président de la République qu’au Gouvernement de défendre au plus vite et sans ambiguïté, auprès de la Commission européenne, le retrait des engrais du MACF et l’activation immédiate de la réserve de crise pour les grandes cultures. Elles attendent également que les mesures nationales annoncées soient précises, financées et opérationnelles sans délai. L’heure n’est plus aux intentions.

«Au-delà des déclarations de bonne volonté affichés, le temps presse et c’est uniquement sur pièce que nous pourrons juger de l’action de la France » concluent les responsables des associations spécialisées dont les agriculteurs s’apprêtent à converger massivement vers Bruxelles le 18 décembre à l’appel des principaux syndicats agricoles européens.