Paris, le 17/09/2025. Après une année noire en 2024, la moisson 2025 marque un retour à des rendements corrects mais elle ne remédie pas à une réalité économique alarmante : pour la troisième année consécutive, les céréaliers enregistrent un revenu négatif, une situation sans précédent. Dans un contexte de fortes tensions géopolitiques, de distorsions de concurrence et de volatilité des marchés, l’AGPB alerte sur la fragilité croissante de la filière et propose l’activation immédiate de la réserve de crise européenne ainsi qu’une réflexion de long terme pour garantir la sécurité alimentaire en Europe.

Moissons 2025 : un retour à la normale trompeur, des revenus toujours dans le rouge
Si la moisson 2025 retrouve des couleurs avec 33 millions de tonnes de blé tendre récoltés (+1% par rapport à la moyenne 2020-2024), les cours du blé tendre suivent une tendance inverse inquiétante. Avec un prix payé aux céréaliers de 160 €/tonne alors que leurs coûts de productions dépassent les 230 €/tonne, c’est donc aujourd’hui 70 €/tonne qui manquent pour atteindre l’équilibre.

« Sur une ferme céréalière moyenne de 135 hectares, il va manquer 50 000 € pour financer la prochaine campagne. L’angoisse s’installe et de nombreux céréaliers jettent l’éponge ! Il est encore temps pour les responsables politiques de prendre conscience de la situation : la France et l’Europe doivent prendre en compte les enjeux stratégiques portés par notre filière dans le contexte des tensions géopolitiques actuelles », alerte Eric Thirouin, président de l’AGPB, l’association Générale des producteurs de blé et autres céréales.

Une filière fragilisée par les tensions géopolitiques et les distorsions de concurrence
Avec une production mondiale à son plus haut niveau, c’est la loi de l’offre et de la demande qui tire les prix vers le bas. Quant à la compétitivité des céréaliers français, elle s’effrite sous la double peine d’une parité euro-dollar défavorable depuis l’élection de Donald Trump, ainsi qu’à des concurrents
internationaux exemptés des contraintes environnementales imposées en France… Ou agressifs comme la Russie qui s’affranchit allègrement du fonctionnement des règles du marché en vigueur.

Ces tensions géopolitiques et économiques (Russie, Chine, Ukraine…) se traduisent par une perte d’accès à des marchés stratégiques comme l’Algérie (qui représente 7 millions de tonnes). Alors que la France devra exporter entre 14 et 16,5 millions de tonnes de blé tendre de belle qualité cette année,
les stocks s’accumulent par manque de compétitivité.

Des leviers à activer de toute urgence pour garantir la sécurité alimentaire en Europe
À court terme :
• Activation de la réserve de crise européenne : prévue dans le cadre de la PAC pour faire face aux aléas de marchés, les céréaliers appellent à activer immédiatement cette réserve de crise européenne pour soutenir les céréaliers.
Levée totale des taxes sur les engrais : la Commission européenne vient de proposer la suppression des droits de douane sur les engrais américains, à la suite des demandes répétées de l’AGPB. Une ouverture bienvenue mais qui doit désormais être entérinée par le Conseil et le Parlement européen, mais également généralisée à d’autres origines géographiques afin de diversifier les approvisionnements et desserrer l’étau sur les coûts de production.

À moyen terme
• Un prix d’intervention européen revalorisé : identique depuis 2001, le prix d’intervention doit prendre en compte l’inflation de ces 24 dernières années ainsi que l’AGPB l’a déjà proposé à la Commission européenne l’an dernier et récemment réitéré auprès de Christophe Hansen, le commissaire européen à l’Agriculture.
• Création de stocks stratégiques : à l’instar de la Finlande qui partage ses frontières avec la Russie ou encore la Chine qui assoie son hégémonie, l’Europe doit sécuriser son approvisionnement alimentaire. La réflexion en cours doit être approfondie et aboutir au plus vite.

À long terme
• Renforcer le budget de la PAC 2027-2032 : la Commission a annoncé une enveloppe en baisse de 20%. Alors que les aides aux céréaliers ont été divisées par deux depuis 20 ans, c’est une augmentation de 50% du budget de la PAC qui sera nécessaire pour faire face aux enjeux alimentaires, climatiques et économiques

Pour Éric Thirouin, « La souveraineté alimentaire ne peut pas reposer sur un marché instable et l’inaction politique ! Dans un monde où nous constatons l’accélération des bouleversements géopolitiques et économiques qui fragilisent nos débouchés et nos approvisionnements, l’Europe tout
comme la France doivent se réveiller avant qu’il ne soit trop tard ». Le président des Céréaliers de France conclut en soulignant la lassitude et la colère contenue des agriculteurs : « Avec pas moins de cinq gouvernements successifs en deux ans, trop peu de réponses concrètes ont été apportées aux réalités que nous vivons sur nos fermes. Nous restons un acteur clé du dialogue mais cela ne peut être un dialogue de sourd : dans la cacophonie politique actuelle où l’agriculture est oubliée, nous appelons à la mobilisation des tous les agriculteurs le 26 septembre pour nous faire entendre ! »