Jeudi 30 juillet,
Mesdames, Messieurs,
La moisson 2020 touche à sa fin et la plupart des volumes sont rentrés. 2020 se révèle être une grande déception pour bon nombre d’entre nous !
Nous nous acheminons effectivement vers une récolte aussi compliquée humainement et économiquement que celle de 2016. Evaluée en deçà des 30 millions de tonnes pour le blé tendre avec des disparités allant de 1 à 6 en fonction des régions, les céréaliers français vont vivre une campagne particulièrement difficile, peut être l’une des pires que nous ayons connues depuis 30 ans. Et tout le paradoxe réside aujourd’hui dans cette variabilité extrême : nous avons atteint selon les régions des records aussi bien dans la catastrophe que dans l’excellence.
Pourquoi ? Les semis de l’automne se sont réalisés dans des conditions déplorables, et pluvieuses alors que le printemps sec et chaud a accentué les stress et affaibli les plantes. Incontestablement, nous agriculteurs, sommes climato dépendants.
N’oublions pas également que la réduction purement politique de nos solutions phytosanitaires ne nous a pas permis de protéger efficacement nos cultures. Avec l’hiver quasiment sans gel, les pucerons ont largement proliféré et sont restés virulifères jusqu'au printemps, un fléau qui aurait pu être contrôlé par une protection insecticide sur la semence.
Les orges ont donc été attaquées par la jaunisse nanisante, les blés ont connu le même sort, sans oublier les betteraves à sucre durement impactées cette année faute de néonicotinoïdes notamment. Les Instituts techniques rendront prochainement un chiffrage du manque à gagner pour les producteurs et leurs filières dû aux impasses techniques et aux suppressions de molécules. Il faut mettre nos gouvernants face à leurs responsabilités. L’agriculture française est malade mais elle n’a plus ni les médicaments ni les moyens de se protéger.
Après 6 années de revenus en berne les céréaliers sont désemparés et démoralisés. Selon nos estimations provisoires, le résultat courant annuel avant impôts et après cotisations sociales en 2020 serait inférieur à 4000€ ! Dans ces conditions, je suis très inquiet sur le devenir du nombre d’agriculteurs en France. Le Gouvernement, qui ne cesse de prôner la souveraineté alimentaire, doit réagir vite et repenser sa politique agricole ! A défaut, les pouvoirs publics porteront la responsabilité de notre dépendance alimentaire.
A l’AGPB, nous nous sommes mis en ordre de bataille pour sensibiliser la presse et interpeller les pouvoirs publics :
- La semaine dernière une dépêche AFP a été publiée et reprise par les journaux nationaux,
- Cette semaine une interview va passer dans la presse agricole départementale,
- Nous sollicitons les rédactions pour pousser notre cri d’alarme,
- L’AGPB est intervenue lors du dernier CA de la FNSEA qui a écrit avec JA au ministre pour l’interpeller sur la situation des céréaliers,
- Philippe Heusele en tant que président de France Export céréales participe ce vendredi 31 juillet à la délégation du ministre au commerce extérieur, Franck Riester sur le port de Dunkerque et pourra lui témoigner des difficultés des céréaliers,
- Avec Philippe Heusele, nous tiendrons une conférence de presse politique de rentrée programmée le jour de notre conseil d’administration du 8 septembre.
Parallèlement, j’ai saisi le Ministre, Julien Denormandie, pour lui faire part de la situation critique et des solutions à mettre en œuvre en urgence : les cellules de crise, le report des cotisations MSA, l’avance des aides PAC, le fonds d’allègement des charges, l’exonération de la TFNB, une demande d’avance de trésorerie sur les aides PAC de 80% au 15 octobre et un accès au plan de relance économique.
Mais le cœur du sujet à moyen terme, c’est de revenir à plus de pragmatisme dans nos politiques agricoles. Nous voulons de la cohérence scientifique et de l’équilibre politique.
Le résultat des politiques successives de réduction des moyens phytos se fait cruellement sentir aujourd’hui. C’est flagrant. Nous ne pouvons plus protéger correctement nos plantes, et nous sommes exposés plus que jamais aux aléas du climat et du marché. Par conséquent, nos rendements et nos revenus s’effondrent et notre pays nous parle de souveraineté alimentaire. Cherchez l’erreur !
L’heure est grave, il faut démultiplier nos forces, aussi je compte expressément sur vous pour vous exprimer sur les réseaux sociaux et interpeller vos parlementaires, présidents de région, préfets, ou DRAAF.
A plus long terme, il s’agit également d’accompagner ce changement de paradigme. Nous demandons avec insistance depuis plusieurs années l’aménagement des dispositifs assurantiels avec la mise en place du seuil de déclenchement à 20% permise par l’OMNIBUS. La transition agricole dans laquelle les céréaliers se sont résolument engagés ne pourra pas se faire avec une agriculture souffreteuse. On ne fait pas évoluer à coups de baguettes des hommes et des femmes en difficulté !
Les projets du futur sont pourtant enthousiasmants : bas carbone, HVE, recherche de valeur et innovation génétique, méthanisation, etc… Nous demandons donc expressément une ambition politique forte pour penser l’agriculture de demain.
Eric THIROUIN
Président de l’AGPB