La Commission des comptes de l’agriculture de la nation (CCAN) vient de publier sa première estimation pour 2024 qui s’ajoute à la confirmation des chiffres de 2023 : pour la seconde année consécutive, les résultats économiques des céréaliers français s’enfoncent en zone rouge. Avec une récolte catastrophique conjuguée à un effet ciseaux de prix dévastateurs dans un contexte fragilisation des moyens de production, c’est la capacité de résilience d’une filière d’excellence qui pourrait finir par vaciller sous l’absence de stabilité politique depuis près de 6 mois.
Paris le 12 décembre 2024 – « Il est toujours tentant de croire que les céréaliers sont les éternels privilégiés de l’agriculture. C’est faux, nous avons pu surmonter des périodes difficiles par le passé mais ce serait oublier qu’aujourd’hui, les bonnes années sont désormais rares et peinent à « rattraper » la fragilité économique croissante de nos exploitations céréalières » alerte Éric Thirouin.
La profonde inquiétude partagée par le président de l’Association Générale des Producteurs de Blé autres céréales à paille (AGPB) depuis des mois est désormais confirmée par la publication des premières estimations officielles publiée par la Commission des comptes de l’agriculture de la nation (CCAN) dont les chiffres pour 2024 sont sans appel :
• - 27,2% pour la production de blé tendre qui s’effondre à 25, 5 Mt (contre 35,1 Mt en 2023)
• - 30,3% : pour la valeur de la production du blé tendre qui s’effrite sous l’effet combiné de la baisse des volumes et de la baisse des prix (- 4,9 %)
• 11,4% : part des céréales dans la valeur de la production agricole française (contre 17,3% en 2022)
Des chiffres d’autant plus préoccupants qu’ils se cumulent à ceux de 2023 confirmés ce même jour par les Données du Réseau d'Information Comptable Agricole (RICA) de la CCAN : les résultats et les revenus sont en chute libre. Ainsi en 2023, le revenu courant avant impôt (RCAI) par actif non salarié d’une exploitation en céréales et oléo-protéagineux (COP) plonge à 11 970 €, soit - 82,7 % par rapport à 2022 .
Autre indicateur alarmant, le solde disponible par exploitant en COP qui devient le plus faible de toutes les filières agricoles : « En 2023 : il ne nous est resté en moyenne, que 5030 € pour vivre, autofinancer nos investissements et payer nos impôts » explique Éric Thirouin.
Selon les dernières estimations réalisées par l’institut Arvalis, 80% des agriculteurs en COP (céréales et oléo protéagineux auront un revenu inférieur au smic en 2024. Désormais, le déclin d’une filière pourtant réputée résiliente n’est plus à exclure en l’absence de politiques agricoles fortes et cohérentes.
« Les appuis à la trésorerie que nous avons obtenus après des mois de mobilisation seront déterminants pour nous aider à passer temporairement le cap mais seront insuffisants pour tenir dans la durée » explique Éric Thirouin, qui rappelle également les fortes attentes des céréaliers depuis les mobilisations de l’hiver dernier : « Où sont les mesures cohérentes et concrètes promises pour répondre aux maux structurels qui sapent notre compétitivité et qui nous permettraient de gagner en résilience ? » interroge le président des Céréaliers de France .
Alors que la dissolution puis le vote de la motion de censure ont balayé les avancées obtenues par le monde agricole, Éric Thirouin avertit : « Le premier ministre qui sera désigné ce soir ainsi que l’ensemble de la classe politique doivent prendre leurs responsabilités face à ce qui se joue aujourd’hui : l’avenir de notre souveraineté alimentaire ne peut plus être l’otage des préoccupations politiciennes un jour de plus : le déclin de notre filière n’est pas une option envisageable car l’alimentation c’est le bien commun de tous nos concitoyens ».