L’interdiction totale du glyphosate en grandes cultures est impossible

Depuis la réhomologation en 2017 au niveau européen du glyphosate pour 5 ans, la France essaie de supprimer son usage sur son territoire. Emmanuel Macron a demandé une interdiction en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard en 2021. Ses ministres de l’écologie et de l’agriculture ont saisi l’INRAE pour identifier les alternatives non chimiques et estimer l’impact économique de ces pratiques sur les cultures pour alimenter l’évaluation comparative de l’ANSES. Ce travail permettra à l’ANSES de réévaluer les produits commerciaux dans le cadre du règlement européen 1107/2009.

L’INRAE a publié le 9 juin, son analyse sur les impacts économiques du déploiement d'alternatives au glyphosate en grandes cultures (https://www.inrae.fr/actualites/usages-alternatives-au-glyphosate-lagriculture-francaise). Le travail réalisé par l’institut est indispensable pour justifier auprès de l’Europe le choix de la France d’interdire la substance sur son territoire avant la fin de l’autorisation européenne de 5 ans. Le règlement européen prévoit à l’article 50.2 que « l’interdiction d’usages pour des produits contenant une substance autorisée est possible s’il existe une ou plusieurs méthodes alternatives, chimiques ou non chimiques, de prévention ou de lutte pour la même utilisation, et si elles sont d’usage courant, a priori sans impact environnemental et sans impact économique majeur ».

L’étude évalue les alternatives à partir de deux éléments : la conception de scénarios (semi direct, technique culturales simplifiées, labour occasionnel, labour fréquent et labour systématique) et l’utilisation de méthodes d’évaluation statistiques des effets des scénarios conçus. Autrement dit, les auteurs estiment via des méthodes statistiques, les choix que feraient les agriculteurs en cas de retrait du glyphosate concernant les interventions de désherbage et de travail du sol dans les limites définies par la stratégie de travail du sol considérée. Si la méthode est indiscutable sur le plan statistique, les raisonnements assumés par les rapporteurs, comportent certains biais : « ce travail, du fait la méthodologie retenue, ne traite pas de la question de la transition entre pratiques et coûts et difficultés spécifiques de cette transition, et a contrario ne mobilisent pas non plus les éléments de progrès agronomique qui pourront être mis en place (couverts végétaux complexes, agroéquipements) ».

Une étude incomplète sur les surcoûts

L’AGPB estime que l’étude, basée uniquement sur l’année 2017, est incomplète, elle est trop simpliste et ne tient pas compte des réalités parfois très hétérogènes,( le labour ne permet pas toujours de contrôler les adventices) et oublie les surcoûts économiques engendrés notamment par les investissement matériel ; les impacts sur les rendements, l’augmentation du temps de travail et le faible nombre de jour disponible pour intervenir mécaniquement... Le retrait du glyphosate inciterait la plupart des agriculteurs à modifier leurs pratiques de désherbage et de travail du sol. Les alternatives opérationnelles identifiées par l’INRAE sont principalement basées sur un renforcement du travail du sol impliquant une augmentation de la consommation de carburants fossile, d’usure des sols, baisse du carbone stocké dans le sol. Alors même que bon nombre ont choisi depuis des années de s’inscrire dans les techniques innovantes et préservant le sol de techniques culturales simplifiées et sans labour. La fin du glyphosate serait un véritable retour en arrière.

L’INRAE estime les surcoûts proches de 80€/ha pour les agriculteurs en semi direct. Ces surcoûts représentent jusqu’à 50% du résultat courant avant impôt (en moyenne 6 000 €/an/actif sur six ans, après charges sociales) en système céréalier constaté ces dernières années, niveau déjà insupportable, alors qu’ils sont sous-estimés (Source Agreste). Dans certains cas, l’arrêt du glyphosate conduit à des impasses comme par exemple lorsqu’il s’agit de la destruction des vivaces (chien dent, chardon, liseron, …), la gestion des adventices et des couverts d’interculture en système de culture sans labour, des cultures portes graines en période de repos végétatif et de production de semence. Les usages pendant l’interculture doivent être différenciés selon la cible, le type de travail du sol, les contraintes pédoclimatiques. Un arrêt brutal, sans discernement, conduirait les exploitations dans des impasses faute d’alternatives. Il faut prévoir, de plus, des exceptions les années où la conjoncture ne permet pas de travailler le sol. Selon l’enquête inter-instituts (ACTA, ARVALIS, FNAMS, ITB et Terres Inovia)  80% des répondants à l’enquête de 2019 (10 000 agriculteurs) ne savent pas comment aborder le remplacement du glyphosate et 2/3 doivent se rééquiper. https://www.arvalis-infos.fr/usages-du-glyphosate-en-grandes-cultures-10-000-agriculteurs-temoignent-@/view-32366-arvarticle.html