FRANCE STRATEGIE UN RAPPORT DECONNECTE DE LA REALITE

France Stratégie a présenté, le 23 octobre dernier, un rapport proposant une nouvelle orientation de la PAC, ainsi censée devenir un outil de la transition agroécologique. Au-delà de l’octroi d’une aide à l’Unité de Travail Humain, ce rapport propose d’instaurer de nombreuses taxes pour réorienter la PAC actuelle. Un changement de paradigme qui pourrait être catastrophique pour l’agriculture française.

France Stratégie est une institution indépendante dont le rôle est de nourrir des réflexions à moyen et long terme sans qu’elles reflètent nécessairement la position du gouvernement. Ce rapport a été présidé par Jean-Christophe Bureau, enseignant d’économie agricole à AgroParisTech, et Pierre Dupraz, directeur de recherche à l’INRA. Il part d’abord du constat suivant : La PAC a parfaitement rempli sa mission d’augmentation de la production agricole et d’amélioration de la balance commerciale européenne. Elle n’aurait cependant pas rempli son rôle par rapport à l’emploi et à l’environnement.

Pour rendre la PAC plus ambitieuse en termes d’utilisation des ressources, de protection de l’environnement et de lutte contre le changement climatique, France Stratégie propose de mettre en place :

  • Un soutien à l’emploi agricole par unité de travail agricole, subordonné au respect de la conditionnalité, sous forme d’un paiement par unité de travail. Il se substituerait au paiement à l’hectare (les DPB d’aujourd’hui) et serait financé par l’enveloppe des DPB et du paiement vert.
  • La fin de l’exonération de TICPE (pour le gazole non routier) pour le secteur agricole ; le montant récupéré servirait à financer le soutien à l’emploi
  • Un bonus pour la diversification des cultures financé par une taxe de 15 à 20% sur les engrais, les pesticides et les antibiotiques.
  • Un bonus de l’ordre de 200€/ha minimum pour le maintien des prairies conditionné à la présence d’un nombre minimum d’animaux. Ce bonus serait financé par une taxe sur les émissions de GES (proportionnelle au nombre d’animaux élevés et aux engrais azotés).
  • Des bonus biodiversité (200 €/ha) : préservation des SIE (haies, arbres, mares, jachères…), entretien et amélioration des zones Natura 2000 ou à haute valeur naturelle. Ils seraient financés par les actuels paiements couplés et les paiements du développement rural.

En France, la PAC reverserait ainsi 5,7 milliards au titre de l’emploi, et 5,6 milliards au titre de la transition agroécologique. Selon ces premières approches, ce système bénéficierait d’abord aux exploitations en agriculture biologiques, en polyculture élevage, ainsi qu’aux élevages extensifs et aux exploitations fortement consommatrices de main d’œuvre. Les exploitations de grandes cultures d’aujourd’hui, tout comme les exploitations d’élevage « intensifs », devraient impérativement changer leurs pratiques pour maintenir leurs financements actuels !

Un rapport « hors sol »

Le rapport de France Stratégies, rédigé par des universitaires et par des chercheurs, est totalement déconnecté de la réalité du terrain.

Il prend d’abord pour postulat une constance des revenus issus de l’activité commerciale des exploitations. Sans même parler de la variabilité des cours mondiaux des matières premières agricoles, il est improbable que les rendements se maintiennent avec de telles modifications des pratiques… Les revenus des producteurs seraient une nouvelle fois directement impactés !

Enfin, même si l’on supposait que les aides allouées par pays restent initialement constantes, l’instauration d’une aide par unité de travail humain risque à terme de faire glisser les enveloppes de la PAC vers les pays de l’est, où la main d’œuvre par hectare est plus importante qu’à l’ouest. La Pologne compte 1.6 millions d’UTA et la Roumanie 1,2 millions. La France, plus grand pays agricole européen par sa superficie, ne compte que 623 000 UTA…

Ce rapport jette un pavé dans la mare en imaginant que la transition agroécologique ne pourra se faire qu’avec une taxation très coercitive sur les engrais, les phytosanitaires, les antibiotiques et même les vaches pour les empêcher d’émettre des gaz à effet de serre !

Les auteurs proposent ainsi d’augmenter très lourdement les charges des agriculteurs français, puisque cela peut conduire à un doublement du prix des intrants, avec la fiscalité, outil par nature non mutualisé au niveau européen. Ils nient totalement les distorsions de concurrence évidentes qu’ils proposent, car bien évidemment les autres états membres se garderont bien d’appliquer la même politique suicidaire, sans compter les inévitables baisses de production française et donc de chiffres d’affaires qui ne sont même pas envisagées. Nos experts chiffrent à plus de 30% ces risques de décrochage pour les productions végétales françaises.

C’est une étude totalement « hors-sol », qui n’est pas du tout ancrée dans les réalités économiques que vivent les agriculteurs soumis en permanence à la concurrence des marchés et qui pourraient conduire l’agriculture française à sa ruine.

 

 

 

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