Pluriagri

Quels enseignements tirer de la comparaison des céréaliers français avec leurs collègues européens ? Le secteur SCOP français est très fragile !

Depuis plusieurs années, Pluriagri, think tank créé par des entreprises et des organisations professionnelles du secteur des grandes cultures et le Crédit agricole, réalise un benchmark européen pour situer la productivité et les revenus des SCOPeurs français dans le panorama européen. Pluriagri s’appuie sur l’enquête communautaire annuelle du Réseau d'information comptable agricole (RICA) réalisée dans tous les États membres de l’Union européenne selon des règles communes sur des échantillons représentatifs. Chaque année une série d’indicateurs est actualisée pour les principaux Etats membres producteurs de grains, en intégrant la dimension économique des exploitations, marqueur de la diversité des structures.

Quels enseignements tirer de cette comparaison avec nos collègues européens ? Le secteur SCOP français est très fragile !

Depuis 2013, sans les aides de la PAC, les producteurs SCOP français, en moyenne, ne parviennent pas à dégager de revenu. De 2004 à 2018, ils n’ont obtenu un revenu hors aides positif que 4 années sur 15 : 2007, 2010, 2011 et 2012, qui correspondent aux années où les marchés mondiaux des grains étaient les plus porteurs sur la période récente. Autrement dit, 11 années sur 15, la rémunération des producteurs SCOP a reposé sur les aides de la PAC. Or, celles-ci sont en baisse continue, compte tenu des choix politiques faits par la France dans le cadre de la subsidiarité laissée aux Etats membres lors des réformes successives de la PAC : en 2018, le soutien à la ferme SCOP française (238 €/ha en moyenne) est ainsi passé en dessous du soutien moyen à la ferme SCOP européenne (250 €/ha au titre des 1er et 2ème piliers, 265 €/ha quand on intègre les aides nationales). Désormais, quelle que soit la région, et a fortiori en zones intermédiaires, le soutien perçu par les SCOPeurs français est inférieur à celui reçu par la plupart de leurs compétiteurs, notamment en Allemagne et à l’est de l’Union européenne.

Autre source de fragilité des exploitations SCOP françaises : une valeur ajoutée nette produite par actif, hors aides directes (VAN/UTA), inférieure à la moyenne européenne, même si, exception faite de 2016, elle a progressé sur la période 2014-2018. Cet indicateur, la valeur ajoutée par actif, est le produit de la valeur ajoutée dégagée à l’hectare par le nombre d’hectares travaillés par actif agricole. Le benchmark européen fait ressortir que les exploitations SCOP françaises souffrent d’un point faible récurrent : le niveau moyen de la valeur ajoutée nette produite par hectare hors aides directes (VAN/ha) se situe systématiquement en dessous de la moyenne communautaire, quelle que soit la dimension économique des exploitations. Les exploitations françaises ont néanmoins un point fort : la surface travaillée par actif, qui est la plus élevée du benchmark, en particulier dans la catégorie des très grandes exploitations. Mais l’un ne compense pas l’autre, et la résultante, c’est-à-dire la valeur ajoutée nette produite par actif, reste inférieure à la moyenne européenne, sur l’ensemble de la période 2014-2018.

Pourquoi cette faiblesse française sur la valeur ajoutée nette produite à l’hectare ? Comme les années précédentes, le benchmark européen souligne le poids élevé des amortissements dans nos exploitations. Mais le benchmark européen doit être aussi l’occasion d’autres questionnements : sur le niveau des charges, l’efficience des intrants, la structure des assolements ou la diversification des activités de l’exploitation au-delà de la seule production de grains.   

Le benchmark 2018 met à nouveau en évidence les écarts de coût du travail salarié et du loyer de la terre qui pèsent sur la compétitivité relative des SCOPeurs des différents Etats membres. En France, et c’est un atout compte tenu de l’importance de ce mode de faire-valoir, le prix d’un hectare en fermage reste modéré par rapport à d’autres régions européennes : l’Allemagne ou l’Italie notamment. Les écarts de coût du travail salarié ont relativement peu d’impact sur les exploitations SCOP françaises dont la main d’œuvre est majoritairement familiale. Ils constituent en revanche un atout considérable pour les structures de l’est de l’Union européenne, aux dépens notamment des grandes fermes d’Allemagne de l’Est.

D’ailleurs, un des enseignements notables du benchmark conduit par Pluriagri depuis plusieurs années est une dégradation continue en Allemagne des indicateurs de compétitivité des grandes et très grandes exploitations. Si des rendements particulièrement bas peuvent expliquer la situation en 2018, les déterminants sont sans doute plus larges.

A l’inverse, en Roumanie, les exploitations suivent une trajectoire ascendante sur toute la période et affirment leur position de leadership, en tête des Etats membres de l’Est. Quelle que soit la dimension économique des exploitations, la productivité du travail des SCOPeurs roumains est supérieure à la moyenne communautaire et en constante progression sur la période 2014-2018, ceci, grâce à une hausse de la valeur ajoutée par hectare.

En 2018, seules les exploitations SCOP de Roumanie, d’Italie et d’Espagne parvenaient à dégager, hors aides directes, un revenu par hectare positif dans les classes de dimension économique étudiées. Ce sont les pays dans lesquels la valeur ajoutée par actif était la plus élevée. Une remarque importante : le revenu par hectare n’a pas la même signification dans tous les Etats membres, en raison de la diversité des systèmes de production. Dans les exploitations où la main-d’œuvre salariée est dominante, la quasi-totalité de la rémunération du travail est déjà comptabilisée au travers du poste des salaires, c’est par exemple le cas des très grandes structures roumaines. Dans ce cas, l’enveloppe d’aides de la PAC est disponible pour l’investissement. Une situation bien différente de celle des exploitations familiales françaises dont le revenu principalement constitué des aides de la PAC rémunère le travail majoritairement familial, sans marge de manœuvre pour les investissements

La comparaison avec ses compétiteurs européens doit donc inciter le secteur des grandes cultures français à garder le cap sur deux enjeux majeurs : trouver les voies d’une augmentation de la valeur ajoutée produite à l’hectare, dans le respect des exigences environnementales et climatiques, et préserver au maximum les paiements communautaires dont dépend la rémunération du travail de la grande majorité des producteurs SCOP français.

 

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