Le 30 novembre, la Commission Européenne participait à une audition sur la crise des engrais organisée par le Parlement Européen. Les agriculteurs européens sont confrontés à des prix des engrais extrêmement élevés, et font face à un risque de pénurie des engrais azotés minéraux au printemps prochain.
Au cours de la réunion, plusieurs députés européens de la Commission Agriculture, issus de la plupart des partis politiques et de cinq Etats membres, ont appelé la Commission, comme principale réponse de court terme face à la crise, à suspendre les droits à l’importation sur les engrais azotés, ainsi que la mesure antidumping en vigueur sur les importations de solution azotée (UAN).
La hausse de la demande et des prix constatés en 2021 sur le marché mondial des engrais et du gaz naturel (la matière première essentielle à la fabrication de l’azote), s’est ajoutée au déséquilibre structurel du marché européen lié aux barrières tarifaires à l’importation des engrais azotés. Ces barrières empêchent toute concurrence véritable sur le marché européen des engrais et se traduisent par des prix intérieurs plus élevés que dans le reste du monde ainsi que, cette année, par des risques de pénurie en Europe.
Dans le cas de la solution azotée (UAN), qui est l’un des principaux engrais azotés, le marché de l’UE est protégé à la fois par des droits de douane à l’importation de 6,5% et par une taxe antidumping de 22 à 42 €/t. Ce qui met les industriels européens dans une situation de quasi-monopole, avec une part de marché actuellement proche de 90%, alors que les agriculteurs européens auront à payer aux industriels une facture supplémentaire de 500 millions d’euros en 2021.
D’après les informations publiques disponibles et malgré les prix élevés du gaz, les fabricants européens d’UAN continuent à faire des profits confortables. D’un autre côté, les producteurs de grains, qui sont les principaux utilisateurs d’UAN et qui doivent vendre leurs productions au prix mondial, verront leurs revenus diminuer significativement cette année à cause des prix élevés des engrais alors que ces revenus sont très bas depuis plusieurs années (15 000 € par an en moyenne entre 2013 et 2019).
Et au contraire de certaines affirmations, la suspension des droits antidumping sur l’UAN à elle seule améliorerait significativement la situation des utilisateurs. Compte tenu de l’effet positif sur la concurrence, elle se traduirait par une baisse des prix de l’engrais de l’ordre de 50 €/t, soit 16% du revenu annuel moyen d’un utilisateur français producteur de céréales et oléo-protéagineux. Et surtout, cette suspension permettrait d'ouvrir le marché aux importations qui éviteraient le risque de pénurie d’UAN qui s’annonce pour la prochaine période d’utilisation au printemps 2022.
Les agriculteurs sont également inquiets de constater que les hausses des prix récemment annoncées par l’industrie ont été à la fois simultanées et de niveaux très similaires. Ainsi, au cours de l’audition, certains députés ont proposé que les autorités européennes de la concurrence ouvrent une enquête à ce sujet.
Dans le dossier de la levée des droits à l’importation d’azote en Europe, il ne s’agit plus de protéger les industriels d’un prétendu dumping mais de maintenir vivante la production végétale européenne. Il est absurde et contre l’intérêt de l’Europe de taxer l’importation de matières premières indispensables à l’agriculture et disponibles en quantités insuffisantes alors que l’industrie censée les produire profite de cette rareté pour augmenter ses bénéfices.