Dans le cadre du Plan d’urgence Grandes cultures 2016 proposé par l’AGPB et ORAMA le 27 juillet dernier (lien), deux aspects d’ordre réglementaire demandent une réponse très rapide de la part des pouvoirs publics : la reconnaissance élargie de l’état de force majeure pour les exploitations sinistrées par les catastrophes climatiques de mai et juin, et la mise en place des dérogations fiscales et réglementaires qui lui sont liées. Cette note a pour objet de faire le point sur le déploiement de ces mesures à travers la France.
La reconnaissance élargie de l’état de force majeure
L’état de catastrophe naturelle permet aux agriculteurs sinistrés d’invoquer la force majeure pour obtenir certaines dérogations réglementaires liées à la PAC et à la directive Nitrates. Ce premier dispositif a été très rapidement mis en place par l’Etat sous forme d’arrêtés interministériels des 8 et 15 juin. Cependant, ce régime de catastrophe naturelle est largement insuffisant pour refléter la réalité des sinistres climatiques subis par les producteurs. En effet, il ne prend en compte que les dommages couverts par un contrat d'assurance du type « dommages aux biens ». Il est donc doublement limité :
-aux seules inondations, à l’exclusion d’autres évènements climatiques comme le défaut de rayonnement,
-aux seules communes ayant connu des inondations de bâtiments
Il est donc indispensable, et c’est le sens de la mesure 1.3 du Plan d’urgence AGPB/ORAMA, bien prise en compte par le Ministère de l’agriculture dans une note adressé aux DDT le 2 août (lien), que ce dispositif de catastrophe naturelle soit complété par une reconnaissance élargie. Elle est justifiée partout où « l’événement exceptionnel constaté est d'une ampleur telle qu'elle aurait pu justifier la reconnaissance d'état de catastrophe naturelle ». Seule, cette reconnaissance élargie permet aux agriculteurs dont les parcelles ont été sinistrées d’invoquer eux aussi la force majeure pour obtenir les mêmes droits que dans les communes en catastrophe naturelle proprement dite.
Ce double dispositif autorise les agriculteurs dont les parcelles sont situées sur une des communes de la liste définie dans chaque département par arrêté préfectoral, de bénéficier de dérogations fiscales et réglementaires.
Quelles dérogations fiscales et réglementaires ?
- DEGREVEMENTS DE TFNB
Invoquer la force majeure permet de demander un dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti.
- DEROGATIONS DIRECTIVE NITRATES
L’article R211-81-5 du Code de l’environnement dispose que « dans les cas de situations exceptionnelles, en particulier climatiques, le préfet de département peut déroger temporairement aux mesures prévues aux 1°, 2°, 6° et 7° du I de l'article R. 211-81 des programmes d'actions national et régional ».
Compte tenu des conditions froides et humides de mai et juin, de nombreuses parcelles ont subi de fortes infestations par les adventices et les limaces. Avec l’appui d’Arvalis-Institut du Végétal (lien), l’AGPB a demandé qu’en zone vulnérable, une dérogation autorise en 2016-2017 la technique du faux semis, plus performante dans les conditions de cette année contre les adventices et ravageurs, comme alternative à l’obligation de CIPAN sur interculture longue et comme alternative à l’obligation de maintien des repousses de colza sur interculture courte.
Cette dérogation peut être demandée pour les producteurs de grandes cultures dans les secteurs ayant subis une inondation au printemps. Dans les parcelles en interculture longue souffrant actuellement de sécheresse empêchant l’implantation de CIPAN, la dérogation peut également autoriser en 2016-2017 les repousses de céréales sur plus de 20% des surfaces comme alternative à l’obligation de CIPAN, voire, si les repousses ne se développent pas, supprimer l’obligation de couverture des sols.
- DEROGATIONS PAC
Si, à cause des inondations, une culture (ou une jachère) déclarée comme telle dans la déclaration PAC 2016 n’a pas été semée, n’a pas levé ou a été détruite, la parcelle étant nue ou insuffisamment couverte, l’agriculteur peut, si la commune est incluse dans la zone correspondante, invoquer la force majeure pour éviter la perte des aides PAC sur la parcelle.
De même, si l’agriculteur a déclaré une SIE « culture dérobée ou à couverture végétale » sur une parcelle où son implantation s’avère impossible entre le 1er juillet et le 1er octobre 2016, il peut, si la commune est incluse dans le zonage, invoquer la force majeure pour indiquer, selon la dérogation prévue par l’arrêté préfectoral, un changement de localisation de la SIE voir l’impossibilité d’effectuer tout semis de mélange éligible SIE d’ici le 1er octobre sur l’exploitation, pour éviter de se voir infliger une réduction du paiement vert.
Où en est-on aujourd’hui ?
Dans les départements français céréaliers de la moitié nord de la France, l’AGPB s’est livrée à un état des lieux des arrêtés préfectoraux liés aux intempéries de mai et juin. Ces départements sont représentés en couleur dans la carte ci-dessus, qui représente la situation au 12 septembre 2016 (elle a pu évoluer depuis).
Parmi les départements ayant une ou plusieurs communes originellement reconnus en état de catastrophe naturelle (arrêtés interministériels des 8 et 15 juin), trois cas se présentent pour la reconnaissance élargie :
-Dans certains départements (en bleu), il n’y a pas eu d’arrêté préfectoral d’élargissement
-Dans d’autres départements (en vert clair), le préfet a étendu le nombre des communes où les agriculteurs peuvent la force majeure, en élargissant dans 5 cas la zone à tout le département (en vert foncé).
Sans tous les départements où a eu lieu une reconnaissance élargie (vert clair et foncé), l’arrêté préfectoral précise les « dérogations PAC » accordées, qui correspondent aux possibilités ci-dessus, avec dans tous les cas la nécessité pour l’agriculteur de déposer un dossier individuel avec pièces justificatives. Dans la plupart de ces départements, une lettre-type est proposée par DDT et/ou la FDSEA.
Par ailleurs, dans les départements signalés par le symbole , qui ne correspondent pas toujours à ceux concernés par les arrêtés préfectoraux ni même nationaux, l’administration a fait connaître la possibilité de demander des « dérogations Directive Nitrates », soit par un arrêté préfectoral spécifique accompagné d’un formulaire de demande, soit en diffusant uniquement un formulaire. On le voit, les « dérogations Directive Nitrates » ne concernent encore que la moitié environ des départements concernés par les intempéries.
Une mobilisation encore nécessaire pour étendre le zonage Force Majeure à l’ensemble des communes des départements et pour généraliser les dérogations Directive Nitrates
Ces avancées, largement obtenues à la demande des FDSEA, apparaissent malheureusement incomplètes, tant pour ce qui concerne les communes concernées par la reconnaissance élargie de l’état de force majeure (et les dérogations PAC qui lui sont liées) que pour l’assouplissement temporaire des obligations liées à la Directive Nitrates.
Les céréaliers français traversent une crise sans précédent : faible quantité récoltée, médiocre qualité et faible prix de marché. Les premiers résultats des exploitations mettent en lumière un manque de trésorerie atteignant parfois 700 € de l’hectare pour la campagne 2016/2017. C’est pourquoi l’AGPB demande que l’ensemble des communes des départements touchés par les évènements climatiques de mai-juin soient reconnues en situation de force majeure.
Dans la plupart des départements, l’effort du syndicalisme majoritaire doit encore se poursuivre en vue d’obtenir tous les assouplissements réglementaires nécessaires.