La loi du 8 décembre 2011 sur les semences met fin à l'interdiction d'utiliser des semences de ferme pour des variétés protégées par un Certificat d'Obtention Végétale français.
La loi du 8 décembre 2011 relative relative aux Certificats d'Obtention Végétale a beaucoup fait parler, notamment à propos de l'utilisation de semences de ferme. La réalité est que cette loi met fin dans certaines conditions à l’interdiction d’utiliser des semences de ferme qui prévalait jusqu’alors pour les variétés protégées par un Certificat d’Obtention Végétale (COV) français. Il n’existait pas en effet de droit à utiliser de semences de ferme issues de telles variétés. Lorsque, saisis par des obtenteurs, les tribunaux ont eu à se prononcer sur cette pratique, ils l’ont condamnée. En ce qui concerne les variétés protégées par des COV européens, l’interdiction préexistante a été levée en 1994 par un règlement communautaire similaire à ce qui vient d’être voté en France.
1) Situation avant la nouvelle loi
La précédente réglementation¹ interdisait toute utilisation de semences de ferme de variétés protégées par un Certificat d’Obtention Végétale français. Seule existait une exception pour le blé tendre à la suite d’un accord conclu en 2001 entre l’AGPB et les sélectionneurs avec l’assentiment des pouvoirs publics (voir encadré ci-dessous).
Sur cette base, la SICASOV (la SACEM des obtenteurs) a conduit des actions ces dernières années pour obtenir des dédommagements de la part des agriculteurs qui utilisaient des semences de ferme (en cultures de pommes de terre et espèces protéagineuses notamment). La plupart de ces actions a débouché sur des règlements amiables, les autres sur des condamnations judiciaires.
¹ La loi 70-489 du 30 juin 1970 qualifiait la production de semences de ferme de contrefaçon.
Le cas du blé tendre - Pour cette espèce l’AGPB et les sélectionneurs ont été à l'origine d'un accord interprofessionnel conclu au sein du GNIS. Au terme de cet accord, il a été mis en place en 2001 une cotisation de 0.5€ par tonne de blé collecté, que les Pouvoirs publics ont rendu obligatoire. Cette cotisation, dite CVO recherche, est remboursée aux agriculteurs qui achètent des semences certifiées, ainsi qu’aux producteurs de moins de 92 tonnes. Le solde des sommes perçues est reversé pour 85% aux sélectionneurs pour financer leurs recherches, en proportion de leur part du marché des semences certifiées, et, pour 15 %, à un fonds de recherche public/ privé (site Internet http://www.fsov.org)
2) Avec la nouvelle loi
Le texte du 8 décembre 2011 légalise dans certaines conditions la pratique des semences de ferme. Il permet que des accords similaires à celui qui régit le blé tendre soient mis en place pour d’autres espèces.
L'utilisation de semences de ferme de variétés protégées par des COV français est autorisée pour 21 espèces* par la nouvelle loi. D’autres espèces pourront être ajoutées par décret à cette liste (la moutarde, la phacélie…).
La loi stipule que les agriculteurs doivent payer en contrepartie une compensation aux sélectionneurs pour financer la création variétale. Le montant de cette compensation pourra être fixé par un contrat passé entre l’agriculteur et l’obtenteur ou son représentant (vraisemblablement la SICASOV dans la pratique). Il pourra aussi exister des accords collectifs ou interprofessionnels, comme pour le blé tendre. Des discussions pourront s’ouvrir entre les différentes familles pour déterminer la forme et le montant de cette rémunération. Dans le cas du blé tendre, elle représente aujourd’hui 0.3% du produit brut, soit en moyenne 3.5 €/ha.
Les dispositions de la nouvelle loi française rejoignent celles de la réglementation européenne. Depuis 1994, celle-ci autorise les agriculteurs à utiliser des semences de ferme pour des variétés protégées par un COV européen, en échange d’une rémunération du sélectionneur.
* Avoine – Orge – Riz – Alpiste des Canaries – Seigle – Triticale – Blé – Blé dur – Epeautre – Pommes de terre – Colza – Navette – Lin oléagineux, à l’exclusion du lin textile – Pois chiche – Lupin jaune – Luzerne – Pois fourrager – Trèfle d’Alexandrie – Trèfle de Perse – Féverole – Vesce commune.
3) Par ailleurs ...
Les producteurs de moins de 92 tonnes sont dispensés de rémunérer les obtenteurs quand ils utilisent des semences de ferme. C'est déjà le cas aujourd'hui d'un éleveur qui produit moins de l’équivalent de 92 tonnes de blé, soit la récolte d'une quinzaine d’hectares, par exemple.
L’agriculteur reste toujours libre d'utiliser gratuitement des semences de ferme de toutes les variétés du domaine public (celles de plus de 25 ans d'âge ou, pour les pommes de terre, de plus de 30 ans). Exemples : la Bintje, le blé Florence Aurore, la féverole Diana, la luzerne Europe…
L’agriculteur ne peut toujours pas échanger ou vendre des semences de ferme.
La nouvelle loi ne change rien au principe fondamental de la propriété intellectuelle sur les variétés végétales - Le COV, contrairement au brevet, assure la liberté de chacun, agriculteur comme sélectionneur professionnel, d’utiliser librement toutes les variétés protégées pour créer une nouvelle variété.
Les principales différences entre brevet et Certificat d’Obtention Végétale
Le brevet est issu d’une logique industrielle. Il est en vigueur aux Etats-Unis, notamment. Les variétés brevetées ne peuvent pas être utilisées à des fins de sélection, ni en semences de ferme.
Le COV préserve le libre accès à la ressource génétique tout en permettant le financement de la recherche. Ce système original de propriété, utilisé dans 86 pays dans le monde, évite l’appropriation de variétés par des sociétés.
Utilisation de la variété protégée… | Brevet | COV après la loi |
1) pour créer une nouvelle variété | Interdit | Libre |
2) à titre expérimental (sans production) | Interdit | Libre |
3) après récolte, pour réensemencer (semences de ferme) | Interdit | Libre pour 21 espèces* au moins, contre rémunération |
Pays concernés | USA, Australie, Japon, etc. | France et pays de l’U.E, notamment |
4) Une nouvelle loi pour la recherche et la compétitivité de l’agriculture
Plus de 200 millions d’euros sont investis annuellement dans la création variétale par les 71 entreprises françaises de sélection, pour l’essentiel des PME familiales ou des coopératives. Leur dynamisme assure aux agriculteurx l’apport d’un progrès génétique constant. Elles créent, chaque année, plus de 600 nouvelles variétés qui viennent renouveler les 6 000 variétés de toutes les espèces proposées aux agriculteurs dans le Catalogue français.
La filière semencière française est la 1ère en Europe et la 3ème dans le monde, après celles des USA et de la Chine, aussi bien en capacité d’innovation qu’en capacité de production. La nouvelle loi favorise la recherche pour la création de nouvelles variétés végétales et participe ainsi à la compétitivité de l’agriculture.
Précisions et liens utiles
COV : le Certificat d’Obtention Végétale est un titre qui confère au titulaire de l’obtention végétale des droits exclusifs.
SICASOV : Société Coopérative d'Intérêt Collectif Agricole des Sélectionneurs Obtenteurs de Variétés végétales - http://www.sicasov.com
GNIS : Groupement National Interprofessionnel des Semences et plants - http://www.gnis.fr