A la rencontre annuelle de la filière des semences de céréales et de protéagineux, organisée le 5 avril par le GNIS, l'interprofession française des semences, les Etats Généraux de l'Alimentation (EGA) et les Certificats d'Economie de Produits Phytosanitaires (CEPP) ont fait l'objet de débats animés.
Jean-Baptiste Moreau, député LREM de la Creuse, éleveur et rapporteur de la loi EGA, a reconnu que la loi actuellement en discussion à l'Assemblée Nationale n'était "pas forcément adaptée au marché des céréales." Mais, selon lui, il fallait rééquilibrer les relations commerciales et inverser la contractualisation pour certaines "filières en péril, comme la viande bovine". Le député a confirmé par ailleurs que l'épargne de précaution, demandée avec insistance par les céréaliers, va arriver d'ici 2018.
Jean-François Loiseau, président d'Intercéréales, est lui aussi revenu sur les EGA à propos de l'atelier 4, consacré à l'exportation et qu'il présidait, pour prendre l'exemple du vin français qui "rayonne à l'international et paie ses impôts en France". De même, les céréales et toutes les filières agro-alimentaires "doivent être structurées de manière économique pour aller à l'exportation". A Sébastien Abis, Directeur de l'association Demeter, qui regrettait "l'absence de l'Europe et de l'international aux EGA", Jean Baptiste Moreau récusait alors cette accusation en précisant: "Mais soyons lucides. Pour l'agriculture familiale, la seule option est la valeur ajoutée et l'export n'a de sens que s'il valorise. Seules, les grandes structures peuvent jouer la compétitivité prix et affronter le marché mondial".
François Desprez, Président du GNIS et ancien participant à l'atelier 11 des EGA sur la transition agroécologique, recentrait ensuite le débat sur les semences pour souligner que le secteur a déjà beaucoup fait. Grâce aux progrès faits en matière de tolérance aux maladies, un tiers des variétés de blé tendre actuellement inscrites au catalogue français permettent de réduire d'un ou 2 passages le nombre de traitements fongicides. Pour l'avenir, les obtenteurs de semences attendent avant tout de la cohérence entre les demandes qui leurs sont faites et les politiques publiques : le délai d'obtention d'une variété de blé tendre est de 6 à 7 ans par les méthodes traditionnelles. Il peut être réduit à une année par les nouvelles techniques de sélection (NBT)".
Sylvie Brunel, géographe et économiste, soulignait ensuite que les médias, qui font l'apologie des petites exploitations traditionnelles et du retour à la pénibilité, défendent en fait un modèle qui pousse les agriculteurs à quitter leur métier, donc qui crée de l'insécurité alimentaire. "Ne laissons pas taper sur ceux qui nous nourrissent, ne désarmons pas, notamment sur l'indispensable protection des cultures." Un point de vue partagé par Sébastien Abis, selon lequel, grâce à la sécurité alimentaire, "le monde agricole solutionne la paix". Ce que nos compatriotes ont tendance à oublier car "quand on est riche, on a peur de mourir empoisonné", d'où la polarisation du débat sur des controverses, et des décisions publiques prises dans les EGA "sur l'autel des émotions récentes et pas assez sur les performances de la ferme France". A l'opposé, "les puissances importatrices demandent que l'agriculture soit au cœur de la coopération bilatérale de la France".
A la question "pourquoi les EGA partent-ils d'emblée sur la réduction des produits phytosanitaires ?", Jean-Baptiste Moreau répondait "C'est la demande sociétale. On ne rend pas service à l'agriculture en l'ignorant. Mais il n'y aura pas d'impasse technique, on laissera aux céréaliers le temps de s'adapter". Après une description du dispositif des CEPP par Christian Huygue, Directeur scientifique Agriculture de l'INRA et président de la commission CEPP, Anne-Claire Vial, présidente d'Arvalis, présentait alors un panorama des 7 leviers constituant la protection intégrée des cultures, pour déplorer que de nombreuses "fiches actions" concernant les grandes cultures n'aient pas été validées, signe d'un manque de confiance et de volonté d'encouragement. Elle concluait en évoquant l'intérêt du "Contrat de solution" proposé par la profession, la filière et la recherche. "Une baisse de 50% de l'usage des phytosanitaires d'ici 2024 est impossible. Le temps de la recherche n'est pas celui de la politique. Et la recherche génétique doit pouvoir accéder aux meilleures technologies et être financée".
Le débat rebondissait alors avec une question de la FNA sur les raisons pour lesquelles 35 "fiches actions" seulement, dont 21 en grandes cultures, ont été retenues parmi les quelques 150 proposées par les instituts techniques, à laquelle Christian Huygue apportait une triple réponse. D'abord les 35 fiches adoptées sont en fait la synthèse de 80 propositions reçues. Ensuite il y a un problème de cohérence entre les fiches, et il faut du temps pour prendre les bonnes décisions. Enfin en citant l'exemple d'un produit de biocontrole, le stimulateur de défense des plantes Vacciplant dont la fiche "a été validée à tort, et qui fait l'objet d'une demande de complément d'information", il concluait que "si tout le monde a son certificat", le dispositif perdra sa crédibilité.
Mais l'assistance, décidément critique sur les CEPP, demandait alors pourquoi la résistance variétale avait si peu de place parmi les fiches CEPP, avec une seule fiche action générique en blé, donnant droit à un très faible nombre de certificats, et aucune action spécifique aux variétés résistantes au piétin verse. En réponse, Christian Huygue précisait que 3 des 4 variétés les plus vendues ont un classement "+" par le CTPS. Mais les classements des variétés correspondent "à une note de résistance et non à une réduction d'usage des phytosanitaires". Il faut faire comprendre aux agriculteurs qu'il ne suffit pas d'utiliser une variété résistante mais "qu'ils doivent adapter leurs traitements à la variété". C'est pourquoi, dans la fiche sur les variétés de blé, le faible nombre de certificats est lié à un "coefficient d'abattement calculé en fonction de l'intégration des résistances variétales dans les pratiques agricoles". Enfin, tout en excluant toute "négociation de type j'ai tel ou tel gène", Christian Huygue s'est déclaré ouvert à une discussion avec les sélectionneurs sur une prise en compte plus fine du progrès génétique dans les certificats d'économie de produits phytosanitaires.