L’AGPB était partenaire d’un colloque organisé par la fondation Charles de Gaulle ce mercredi 15 septembre sur la souveraineté de la France. A cette occasion, la question de la souveraineté alimentaire et agricole a été développée au travers de la participation de Marion Guillou, ex PDG de l’INRA à l’une des tables rondes intitulée « L’État est-il encore la clé de voûte de la souveraineté, qu’elle soit nationale ou partagée ? » Lors de cette manifestation, l’AGPB n’a pas manqué de partager ses vives préoccupations quant au devenir de notre souveraineté alimentaire, à l’heure des discussions européennes sur les stratégies « Farm to fork » et « biodiversité ».
La France grande puissance agricole mais pour combien de temps ?
« La France est et reste un grand pays agricole » selon Marion Guillou. La balance commerciale agricole est toujours positive, ce secteur restant l’un des fleurons de l’économie française, mais pour combien de temps ? Les importations sont en hausse, surtout en provenance de l’Union européenne, d’Allemagne ou des Pays-Bas. Les exportations restent fortes notamment en vins et spiritueux, produits laitiers, céréales. En revanche, sa compétitivité chute dans les secteurs comme les fruits et légumes ou les viandes.
A cela deux explications : la compétitivité « coût » (main d’œuvre, salaire…) mais aussi et surtout la compétitivité « hors coût » (reconnaissance de la qualité, marketing, reconnaissance des efforts écologiques…) La France a beaucoup de mal à s’adapter aux marchés sur lesquels elle exporte. C’est le cas par exemple avec le vin : notre pays est fier de ses appellations et ses châteaux grands crus mais la valorisation reste difficile à l’export.
C’est en quelque sorte la même chose pour les céréales aujourd’hui : la qualité française est reconnue mais la reconnaissance du point de vue de la transition agroécologique en est à son balbutiement. Voila tout l’enjeu pour l’avenir à travers la reconnaissance des certifications environnementales par exemple.
La PAC instrument de la souveraineté alimentaire à l’échelle européenne ?
« La PAC a été négociée par le général de Gaulle avec pour objectif de nourrir les Européens d’alors à des prix raisonnables. Plus de 50 ans après, cet objectif a été largement atteint. Le poste de la dépense alimentaire dans le budget des ménages français n’a jamais été aussi bas. Mais ce que le consommateur a gagné, le producteur l’a, dans une certaine mesure, perdu. »
Les producteurs voient leur coût de production renchéri par des normes de plus en plus exigeantes, qui relèvent moins de la PAC que de l’arsenal législatif européen, souvent en réponse à des mobilisations citoyennes.
L’agriculture et l’agroalimentaire relèvent de la compétence européenne, la France n’est donc pas totalement libre de sa politique. Pour exporter, les Etats membres sont indépendants et souverains mais ce n’est pas la même configuration pour les importations : les accords de libre-échange entre l’Europe et ses partenaires rentrent en jeu. « C’est une asymétrie majeure et handicapante. » déplore Marion Guillou.
La crise du COVID et le spectre d’une crise alimentaire
Dans le contexte difficile du Covid, l’agriculture française et le secteur agroalimentaire ont montré leur résilience. « On n’a pas connu de crise d’approvisionnement, de manques criants. Cela s’explique en partie par le fait que le système compte beaucoup de P.M.E et se répartit sur le territoire national. » Au final, notre pays n’a à aucun moment été proche d’une crise d’approvisionnement, les chaînes ont continué à fonctionner. C’est là un atout qu’il ne fait pas sous-estimer ! Alain Supiot, Professeur émérite au Collège de France renchérit : « La responsabilité de l’Etat c’est de soigner son peuple et soigner c’est aussi le nourrir ».
La question de la souveraineté est bien sur toutes les lèvres : Souveraineté alimentaire certes mais aussi sanitaire (masques et vaccins), énergétique, pour garantir notre défense (OTAN et armement). C’est une thématique majeure qu’il convient d’approfondir, notamment dans le cadre des débats préélectoraux de 2022. L’AGPB portera en tout cas cette revendication essentielle de la préservation de notre souveraineté alimentaire, à l’échelle nationale et européenne, pour l’avenir de l’agriculture et de la production céréalière.