Du 2 au 4 février se sont tenues les universités en visio conférences coorganisées par Solagro et l’IDDRI, principalement autour du thème de la neutralité carbone pour l’agriculture, attirant près de 300 personnes, à 30 % issues de la recherche et de l’enseignement, 30% d’ONG et think tanks, 10% d’institutions et collectivités, 10 % de médias et 10% de représentants agricoles et OPA.
Un très important travail de comparaison de 12 prospectives internationales a été entrepris, suivis par des ateliers thématiques, sur l’alimentation, la place de l’élevage, la méthanisation, le stockage carbone et la prospective lancée par l’ADEME pour le cadrage de la stratégie nationale bas carbone française.
Ces travaux de comparaisons ont mis en évidence les intentions et stratégies mises en œuvre dans les principaux exercices de prospective à l’horizon 2050.
S’agit-il d’un plaidoyer, d’une contribution à un débat, ou d’un appui à l’action politique ?
La recherche de la neutralité carbone est -elle atteinte par la modification des régimes alimentaires, par la modification de la production ?
S’agit-il de scenarios en ruptures fortes basés sur des tests de paramètres poussés à des niveaux élevés ou s’agit-il de scenarios plus systémiques ?
S’agit-il de scenarios climatiques ou multifonctionnels qui recherchent en même temps la neutralité climatique et des objectifs de préservation de la biodiversité, d’objectifs de santé humaine ?
Quels sont les leviers mis en évidence : l’atténuation des émissions de GES ou l’augmentation du puits de carbone et la recherche de substitutions pour l’atteinte de la neutralité carbone ?
Un 2ème axe d’analyse étudie les leviers mis en œuvre dans les prospectives étudiées : la place de l’élevage (plus des ¾ des scenarios font drastiquement diminuer la place de l’élevage), les logiques culturales retenues (principalement les rendements appliqués dans les scenarios et notamment la part du bio), la place des protéines animales/végétales dans l’alimentation, le stockage de carbone dans la forêt et l’usage des terres, la place des bioénergies.
Ces analyses ont été complétées par des notes sur le degré de prise en compte des impacts sur l’environnement et/ou la santé et le degré de maturité technologique des leviers employés.
Il ressort de ces comparaisons très riches une différence sensible entre les pays du Nord de l’UE ou anglo-saxons qui intègrent des scénarios avec une forte intensification agricole, alors que les prospectives françaises se caractérisent plus sur des scénarios privilégiant la décroissance. L’agriculture intensive, qualifiée de productiviste est clairement écartée par SOLAGRO et l’IDDRI, de façon assumée.
Ces partis pris français se sont retrouvés dans les ateliers sur la méthanisation ou le stockage carbone, soit par critiques sur les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) ou cultures dédiées, soit par opposition entre forêt et herbe contre cultures. Des questions de cohérence apparaissent quand on s’aperçoit que l’élevage, considéré comme principal responsable d’émissions de GES (méthane) est fortement réduit au motif que les régimes alimentaires se transforment dans nos pays, alors que les surfaces en herbe progressent, sans réponse sur la valorisation économique de ces prairies pour les agriculteurs.
Alors que précédemment un seul scenario n’était envisagé pour la sobriété vcarbone, l’ADEME a présenté dans le cas de ces universités Afterres l’exercice de prospective qui débouchera en fin d’année 2021 avec 4 scénarios préfigurant la réflexion de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) pour l’ensemble des secteurs émetteurs concernés, (énergie, transports, logement…) y compris l’agriculture. Ces 4 scenarios pour une France neutre en carbone en 2050, sont « sobriété des usages et des comportements», « croissance verte poussée par l’offre de produits renouvelables », « soutenabilité accompagnant par des politiques publiques une sobriété modérée» et « pari technologique sur le stockage de carbone technologique ». A ce stade, l’agriculture y est pour l’instant peu étudiée comme secteur intégrant des voies de progrès et il est important pour la profession agricole de s’en emparer pour infléchir la réflexion nationale.
Ces travaux ont confirmé la nécessité stratégique pour les organisations agricoles de participer à ces travaux, au regard de l’utilisation souvent fragmentaire des indicateurs employés au service de démonstrations orientées ou bien du traitement très sommaire des progrès accomplis par les agriculteurs.
C’est pourquoi les filières grandes cultures se sont emparées elles aussi de cette discipline de prospective pour explorer ensemble les évolutions socio-économiques que les producteurs doivent faire valoir, pas seulement sur des scenarios décroissants mais aussi sur d’autres pistes plus équilibrées en création de valeur tout en conciliant les impacts environnementaux. C’est l’objet des travaux de « Culturibles » disponibles en 2021 pour éclairer le débat de manière plus équilibrée.