Dotés de sols très riches et d’un fort potentiel d’accroissement de leurs rendements, la Russie, l’Ukraine et le Kazakhstan occupent une place de plus en plus importante sur les marchés mondiaux des céréales et oléoprotéagineux. Ainsi depuis l’année dernière, la Russie est devenue le 1er exportateur de blé mondial. A l’occasion du colloque météo et climat, le Centre d’études et de prospective (CEP) a présenté une étude sur les perspectives de développement des productions végétales dans ces pays avec le changement climatique. Comme tous les pays, ils seront demain confrontés aux effets du réchauffement climatique, avec des territoires soumis à des risques accrus pour leurs rendements tandis que d’autres zones deviendraient propices aux cultures.
Un travail prospectif a été présenté donnant des ordres de grandeur des changements possibles en simulant des rendements à partir de projections climatiques. Deux scénarios thermiques ont été appliqués à ces trois États de la mer Noire à l’horizon 2050. Selon un premier scénario de réchauffement « modéré », la production pour le blé, le maïs et le tournesol serait stable.
Un deuxième scénario, de réchauffement « extrême », conduirait à des chutes de rendements régionalement fortes à très fortes. Si certaines régions agricoles frontalières avec la Chine pourraient voir leurs rendements s’accroître, le Nord-Kazakhstan, le sud de la Russie européenne et le pourtour de la mer Noire subiraient des années sèches de façon plus régulière. Les régions des fameuses « terres noires » pourraient ainsi être affectées par le changement climatique, alors que les zones plus au Nord , mais au potentiel moins favorable pourraient s’ouvrir à la grande culture. Globalement, les scénarii montrent une grande sensibilité des rendements à l’accroissement moyen de températures ( + ou -1°c en moyenne pourrait conduire à une variation de rendement de +/-10%), mais surtout à la variation de pluviométrie (+/- 15% de pluviométrie conduirait à des rendements variant de +/- 25%). Ainsi, dans le scenario médian, la tendance indique une stagnation voire légère régression des rendements en blé (-4%) et dans un scenario de plus forte augmentation du réchauffement climatique une chute pouvant atteindre 30% en blé, voire plus pour les autres grandes cultures.
Enfin, au-delà des moyennes, l’étude montre que l’occurrence de phénomènes climatiques extrêmes pourrait augmenter, provoquant de fortes variations de productions d’une année sur l’autre. Une seule chose est sûre : La combinaison de changements géopolitiques et climatiques pourrait ainsi conduire à de profondes modifications des flux commerciaux dans cette partie du monde, notamment vers la Chine.
Sur le marché mondial des céréales, cette étude prospective confirme le risque de forte volatilité des prix face à une demande en croissance régulière. Les producteurs de blé français, en se préparant à résister à une succession d’années de prix déprimés comme c’est le cas actuellement, peuvent aussi espérer saisir de réelles opportunités quand la concurrence ne sera pas au rendez-vous. Encore faut-il que leur compétitivité ne soit pas entravée par des choix nationaux défavorables.