Au Congrès de la FNSEA 2018 qui se déroulait à Tours cette semaine, les grandes cultures ont parlé d’une même voix. L’occasion d’appuyer leurs revendications et leurs propositions. Philippe Pinta a pris la parole pour représenter les 4 associations spécialisées AGPB, AGPM, CGB, et FOP, extrait :
« Vous n’êtes pas sans le savoir, les producteurs de grandes cultures, sont dans une crise profonde. Après une année noire en 2016, succédant à 3 années difficiles, la moisson 2017 très hétérogène en quantité et caractérisée par des prix bas, ne permettra pas de compenser les pertes des producteurs.
De nombreuses décisions de rééquilibrage des aides, et l’alourdissement permanent de nos charges, posent aujourd’hui un véritable problème de compétitivité et de survie pour nos exploitations et pour l’équilibre économique de nos territoires.
Pour autant nous sommes déterminés à nous battre pour être compétitifs sur un marché très concurrentiel, et c’est l’objet des plans de transformations adoptés par nos interprofessions respectives.
Ainsi, traçabilité, développement du bio et autres signes de qualité, développement de la méthanisation, la bioéconomie sont au cœur de nos engagements, au même titre que la nécessité de gagner en compétitivité tout au long de la chaine notamment par l’amélioration de la logistique. Mais aussi la mise en place d’un plan protéine pour accompagner les besoins de l’élevage et la promotion des biocarburants qui sont aujourd’hui menacés au niveau des discussions communautaires et par les importations des pays tiers.
Dans ce contexte, il nous faut une PAC forte avec un budget maintenu, des aides directes importantes pour compenser les normes plus élevées de l’Union européenne dans un marché de plus en plus ouvert, et surtout une PAC harmonisée évitant la subsidiarité qui génère des distorsions inacceptables. Il est impératif de strictement encadrer les possibilités d’aides couplées et de paiements redistributifs au niveau communautaire et de rendre impossible tout transfert entre le 1er et le 2nd pilier.
Distorsions inacceptables ! oui ! aujourd’hui, de très nombreuses exploitations de grandes cultures françaises sont en dessous de la moyenne européenne des aides premier et deuxième pilier des producteurs de grandes cultures (Otex 15) qui est actuellement de 250€/ha. Ceci est le fruit des décisions nationales de réorientations des aides d’un secteur vers un autre, toujours au détriment des grandes cultures. Nous ne pouvons plus supporter de telles distorsions de concurrence. La mise en place d’un niveau d’aides planchers minimal pour l’ensemble des producteurs de grandes cultures apparait comme une priorité. Dès cette année, il convient de mobiliser les moyens nécessaires pour enclencher ce mouvement.
Nous devons aussi améliorer la résilience de nos exploitations pour faire face aux aléas climatiques, économiques qui ne font que croitre. D’abord, avec la mise en œuvre d’une épargne de précaution simple, efficace et lisible. Ensuite l’amélioration substantielle du dispositif des assurances climatiques avec l’abaissement du seuil de perte minimale de 30 à 20% prévue par le règlement Omnibus, qui est une victoire syndicale, doit être mis en place sans attendre en trouvant des marges au sein du deuxième pilier. De même, pour certains secteurs, la mise en place d’instruments de stabilisation des revenus pourra s’avérer pertinent. Dans cette logique de résilience, l’accès à l’eau doit rester un combat prioritaire.
Enfin, concernant les moyens de productions et l’utilisation des produits phytosanitaires, nous devons impérativement privilégier le respect de la réglementation communautaire et s’appuyer sur une démarche de recherche d’alternatives crédibles et viables économiquement plutôt que d’interdiction. Le dossier des néonicotinoïdes est à ce titre emblématique, leur suppression complète est une distorsion de concurrence inacceptable et nous n’avons pas de solutions disponibles qui allient efficacité et durabilité, il faut donc des dérogations !! Les solutions de substitution passeront par la recherche et l’innovation, c’est tout le sens du « contrat de solutions » et les grandes cultures s’y engagent résolument.
Mais pour cela, il faut aborder cette phase de transition de manière pragmatique : définir des priorités, bâtir des échéanciers et cibler les aides à l’investissement pour accompagner les agriculteurs. Ces aides à l’investissement doivent impérativement pouvoir bénéficier de l’enveloppe des 5 milliards annoncée par le Président de la République.
En revanche, compte tenu de la situation des exploitations, nous ne pouvons plus tolérer que les producteurs subissent de nouvelles taxes ou charges. Je fais notamment référence à la séparation de la vente et du conseil, qui déboucherait sur un conseil indépendant à la charge des agriculteurs, à l’augmentation de la redevance pour pollution diffuse mais aussi à l’impact de l’interdiction des remises, rabais et ristournes. On nous parle aussi de simplification, là aussi le compte n’y est pas, les discussions autour de l’organisation de la campagne de cette année avec de la surtransposition sur la gestion des SIE sont une véritable caricature pour ne pas dire une provocation !
Nous n’avons jamais connu de situation économique aussi difficile. 40% des producteurs auront un résultat d’exploitation négatif cette année et un revenu annuel moyen sur 5 ans à 2500 euros et vous le savez, la situation est encore plus critique dans les zones intermédiaires. Il convient maintenant de se mobiliser pour répondre aux attentes de nos producteurs. »