CONGRÈS FNSEA NANCY 2019 : LES GRANDES CULTURES S’EXPRIMENT

La FNSEA rassemblait l’ensemble de son réseau cette semaine à Nancy pour son 73ème Congrès. Représentants des FDSEA, FRSEA, et des associations spécialisées s’étaient donnés rendez vous pour échanger, débattre, et participer à cet exercice démocratique indispensable pour le réseau agricole. Vos représentants, au travers de leur syndicat de filière ont porté la voix des grandes cultures. Extrait de l’intervention de Daniel Peyraube.
 
« J’ai le plaisir aujourd’hui de parler pour l’ensemble de mes collègues des AS grandes cultures (Blé et céréales, Maïs, Betteraves, Oléo protéagineux, Pommes de Terre, Plants de pommes de terre, Riziculture, Semences).
Tout d’abord je voudrais souligner la fierté de notre réseau suite à la campagne électorale, et même si nous avons forcément quelques déceptions, bien légitimes, souligner la grande victoire que le résultat représente en termes de représentativité de la FNSEA et de ces AS. Pour l’ensemble de nos filières c’est un message très fort, et notre engagement syndical a d’autant plus de valeur dans nos organisations économiques et de filière. Vous connaissez tous le contexte difficile dans nombre de nos filières, il faut d’autant moins négliger notre résultat collectif !
Vous le savez tous, la situation est compliquée pour les grandes cultures. L’année 2018 a été marquée par les à-coups climatiques (sécheresse et inondations dans plusieurs régions) et certaines cultures sont déjà fortement impactées pour 2019. Les marchés sont peu porteurs pour certaines productions, même si globalement les choses s’améliorent par rapport à la campagne précédente, mais le ciseau entre coûts de production et prix de marché n’est pas résolu ! Les revenus, s’ils s’améliorent, restent très bas. Et les menaces qui planent restent nombreuses.
Dans ce contexte, il est clair que notre secteur n’a pas trouvé de relais dans la loi EGALIM. D’abord parce que le 1er volet, s’il apporte des éléments concrets sur le partage de la valeur dans les filières, ne s’applique de fait pas pleinement aux nôtres pour lesquelles les fondamentaux reposent sur les marchés mondiaux et ne permettent donc pas d’imaginer une construction du prix à partir de nos coûts de production. Et force est de constater que ces derniers ne sont pas toujours couverts par les prix. Toutefois, les aspirations sur la construction des filières et la montée en gamme sont en résonance avec nos organisations de filière, et nous avons entendu le discours plus offensif du Président de la République lors du dernier Salon de l’Agriculture, en particulier sur l’export ou la souveraineté protéique de la France.
Mais dans le même temps les tensions dans certaines filières industrielles, à commencer par le sucre, présentent un piège pour les producteurs dont il sera difficile de s’extraire. Si nous ne parvenons pas à conserver des outils industriels efficaces et compétitifs sur nos territoires, nous savons que la production sera menacée. La profession doit donc rester unie pour défendre les producteurs et les outils de transformation de nos productions.
Mais au-delà, le 2ème volet de la loi EGALIM nous a, à nouveau, apporté son lot de contraintes supplémentaires, à commencer par la hausse de la redevance pour pollution diffuse (RPD), la suppression des RRR (remises, rabais et ristournes) et la
séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires. Heureusement, nous avons échappé à l’interdiction bête et définitive du glyphosate, probablement grâce à notre engagement collectif dans le contrat de solutions, sur lequel nous avons obtenu maintenant l’engagement de l’Etat. Mais ces nouvelles contraintes et leurs conséquences économiques, nous les estimons à près d’1 milliard d’euros… Et dans le même temps nous n’avons aucun gain de compétitivité.
Bien évidemment quand nous parlons de produits phytosanitaires, nous nous inquiétions de l’impact grandissant des distorsions de concurrence, que ce soit au sein de l’Union Européenne ou vis-à-vis des pays tiers, à commencer par l’interdiction des néonicotinoïdes sur l’ensemble de nos productions, parfois sans aucune alternatives disponibles, et alors que les autres pays producteurs, contrairement à la France, n’ont pas élargi le moratoire, et feront appel aux dérogations si nécessaire.
En complément sur ce sujet, je voudrais revenir rapidement sur l’avis que l’ANSES vient de rendre sur la prise en compte des pollinisateurs dans l’évaluation des produits. L’inquiétude est grande car, à la lecture, de cet avis, demain ce sont l’ensemble des produits phytosanitaires, insecticides mais aussi fongicides et herbicides qui pourraient être fortement contraints dans leur utilisation voir condamnés. Nous sommes particulièrement préoccupés par la façon dont va être décliné cet avis, étant entendu que nous sommes également très attentifs à la préservation des pollinisateurs sauvages ou domestiques, dont nous sommes dépendants pour de nombreuses cultures à commencer par les portes-graines.
Mais ce n’est pas la seule distorsion que nous connaissons. La situation sur la PAC est inquiétante car aujourd’hui déjà, elle s’applique différemment d’un Etat-membre à l’autre et sur nos productions, notamment sur le montant des aides. Le défaut de compétitivité est réel, et demain cela pourrait être aggravé si les tentatives de la Commission pour renvoyer la balle aux Etats membres devait aboutir. La PAC ne doit pas être livrée à la subsidiarité des Etats membres, nous aurions tout à y perdre, la France sera toujours mieux disante, et nos exploitations ne s’en sortiront pas mieux !
Mais plus globalement nous devons pousser l’Europe à nous protéger. Nous devons arrêter d’importer les productions qui ne sont pas possibles chez nous. Cela passe d’abord par les accords internationaux dans lesquels nous devons rester fermes. Cela passe aussi par les différents outils disponibles pour défendre nos intérêts offensifs comme défensifs pour nos productions et notre compétitivité.
C’est le cas des droits antidumping sur les biocarburants, ils doivent être maintenus pour protéger nos marchés européens face à une concurrence déloyale de nos concurrents et nous ne pouvons que regretter que leur maintien sur le biodiesel argentin soit accompagné de l’ouverture d’un contingent d’accès de 10% du marché européen.
Il en va de même pour s’opposer à la mise en place de droits supplémentaires sur l’importation de solutions azotées pour l’amendement de nos cultures alors que nos produits sont soumis aux marchés mondiaux.
Pour le maïs, l’Europe est devenue le 1er importateur mondial depuis 2 campagnes alors que les surfaces de production ont baissé de 20% en 6 ans. De la même façon
nous continuons à importer du soja, et par là-même des OGM, alors que nous ne parvenons pas à réunir les conditions de l’émergence d’une production de protéines durable en Europe. Nous sommes en capacité de produire des protéines européennes, et nous le faisons déjà, avec nos cultures, et avec les biocarburants issus de nos productions, qui au-delà de la production d’énergies renouvelables et de contribution à la décarbonatation de l’économie, permettent de générer des drèches et tourteaux qui répondent à la demande en protéines. Mais nous pouvons aller plus loin, et pour cela nous avons besoin d’un soutien des pouvoirs publics, français comme européens pour mettre en place une vrai stratégie protéines. A quel moment allons-nous redevenir ambitieux pour notre agriculture ? Nous devons nous mobiliser collectivement ce type de sujet.
Et dans la future PAC nous devons avoir accès à des outils concrets pour accompagner la compétitivité de nos exploitations. Au-delà des aides directes du 1er pilier qui doivent assurer un réel soutien de base, nous attendons une mise en oeuvre de l’OMNIBUS et sa traduction dans l’assurance climatique, mais aussi la reconnaissance de la contribution de l’agriculture et l’accès à des mesures d’accompagnement pour les exploitations pour faire face aux contraintes croissantes du changement climatique, des transitions énergétique et agroécologique.
Et pour aller plus loin, nous devons nous assurer d’une politique volontariste en matière d’innovation. Cela passe par un cadre réglementaire qui ne peut plus être le seul jouet du principe de précaution. Que l’on parle de produits phytosanitaires, de biotechnologies, de numériques, de robotique… les perspectives sont immenses et doivent nous permettre de surmonter les défis qui ne le sont pas moins. Mais pour cela nous devons être ambitieux. L’agriculture est une partie de la solution, que l’on parle de défi alimentaire, géopolitique, climatique, énergétique. Nous sommes prêts pour l’agriculture de demain. Il faut permettre à notre potentiel de s’exprimer, et pour cela il faut lever les verrous. Moins de phytos, chiche, si nous avons de solutions ! Et une partie d’entre-elles viendront des biotechnologies, le cadre réglementaire européen doit donc être adapté suite à l’avis de la CJUE de l’été dernier.
Ce sera avec la PAC un des enjeux des prochaines équipes européennes. C’est en tout cas ce que nous défendrons auprès des candidats des listes aux prochaines élections, et un travail qu’il y aura à faire au niveau de la prochaine Commission qui s’installera à la fin de l’année.
Finalement notre enjeu principal est peut-être celui de faire aimer notre agriculture, non pas en la montrant telle que certains voudraient qu’elle soit, mais en démontrant ses atouts pour chacun. C’est le seul moyen de sortir de l’agri-bashing, et de la spirale de décisions négatives qui y est associée. Nous avons déjà fait beaucoup, il faudra probablement aller plus loin pour démontrer notre engagement à faire mieux, d’où l’engagement de certains d’entre nous dans la certification environnementale. La transparence est une attente forte de nos concitoyens, nous devons mieux dire qui nous sommes, ce que nous faisons et à quoi nous nous engageons pour renouer un dialogue constructif, assurer notre place dans la société, être enfin reconnus comme des acteurs économiques responsables et sortir de cette spirale infernale de contraintes et de contrôles. »
randomness