En 2018, les producteurs français de blé dur ont été triplement pénalisés, par des conditions climatiques dramatiques dans la zone traditionnelle, par la diminution de la production, et la mauvaise tenue des prix. Au fil des campagnes, les surfaces baissent, et s’éloignent des objectifs du plan de relance de la filière.

Lors de son intervention devant le Conseil d’administration de l’AGPB du 16 avril dernier, Andrée DEFOIS, Directrice de Stratégie Grains a complété sa présentation des marchés des « grandes cultures, par un focus sur le Blé dur. Aujourd’hui, force est de constater que sous la pression nord-américaine, la prime de blé dur (face au blé tendre), est restée très faible partout dans le monde, avec une prime souvent négative pour les agriculteurs (France, Espagne, Canada, USA…).

L’observation du bilan mondial blé dur, montre qu’il est nettement excédentaire en 2018, avec notamment une récolte record en Afrique du Nord : 6,7Mt pour l’Algérie (3.2Mt), le Maroc (2.4Mt) et la Tunisie contre 5.2Mt en 2017 et 3.7Mt en 2016, conduisant à un volume d’importations au plus bas pour l’Algérie autour d’1 Mt au cours de cette campagne ; cette situation ayant pour conséquence une augmentation des stocks et de bonne qualité en Amérique du Nord : autour de 2 Mt au Canada, 1,3 Mt aux USA.

C’est cette situation qui a impacté les prix, qui ont été de ce fait sous pression tout au long de la campagne.

Cette campagne se caractérise également par un « surplus » au niveau du bilan européen du blé dur 2018/19. Avec un niveau de 8,6 MT, la production est à un niveau similaire à celui de la campagne précédente, du fait d’une récolte plus importante en Espagne, mais neutralisée par un recul de la production en France et en Italie.

On note par ailleurs, un recul des exports français vers pays tiers, avec cependant une « forte dynamique » vers l’Espagne (alimentation animale) et une augmentation des importations italiennes d’origine du Canada (0,7 Mt contre 0,4 Mt en 2017/18). Au final, si des surplus subsistent en Espagne et en Italie, le bilan français demeure équilibré.

En ce qui concerne les perspectives pour la prochaine campagne (2019-2020), il faut s’attendre à un bilan mondial blé dur qui reste lourd, du fait d’une baisse limitée des surfaces au Canada, pour une production qui pourrait rester stable autour de (5,5Mt) et une légère baisse de la production attendue dans l’Union européenne.

Les experts de cette filière s’attendent par ailleurs à de bonnes perspectives de récoltes en Algérie, à un alourdissement des surplus possibles au Canada et un équilibre tendu du bilan européen 2019/20, sous pression canadienne. Tous attendent en effet un risque d’agressivité du Canada à l’export, cette campagne, mettant la pression sur les prix.

La production européenne de blé dur est également attendue en baisse, autour de 8Mt (près d’1Mt en moins par rapport à la récolte 2018) dont environ 1,5 Mt pour la France (-0,2 à -0,3 Mt par rapport à 2018) et un niveau d’exportations européennes, potentiellement en baisse autour de 0,7 Mt) par rapport à 1,6Mt la campagne précédente.

Tous ces facteurs vont impacter les bilans de part et d’autre de l’Atlantique et pourraient entraîner un   retour probable à l’équilibre des bilans français, italien et espagnol, mais avec une « hausse des prix limitée » par la lourdeur du bilan Canadien. Subsiste également aujourd’hui une interrogation, quant aux importations éventuelles italiennes, en provenance du Canada, au détriment des importations d’origine européennes.

Une baisse des surfaces inquiétante pour la filière !

Dans ce contexte, on ne peut que déplorer la baisse de nouveau pour la récolte 2019, des surfaces françaises de blé dur, qui atteindraient selon les dernières prévisions d’Agreste 319 000Ha (mai 2019), soit une baisse de près de 10% par rapport à la récolte 2018 (et 20 % par rapport à la récolte 2016). Mais lors du dernier comité de pilotage de la filière Blé dur, ARVALIS annonçait une baisse encore plus importante, autour de 270 000 ha.

Réagir face à une telle situation !

Face à cette évolution des surfaces, la filière est en action depuis plusieurs années et a travaillé sur un plan de relance de la filière Blé dur, qui s’inscrit dans le plan stratégique céréales FranceAgriMer. Parmi les actions prioritaires de ce plan, on note la volonté de développement de la production dans toutes les zones de production, la reconnaissance du blé dur, dans le cadre règlementaire de la PAC (Verdissement : diversification des cultures) comme une espèce spécifique, la pérennisation du soutien européen : aide couplée en zone traditionnelle, le développement de la recherche et de l’innovation et la sélection variétale : dépôt de nouvelles variétés par les obtenteurs : rendement, résistance aux maladies, qualité technologique.

C’est donc pour placer la France aux premiers rangs mondiaux de la qualité et de la compétitivité, que les parties prenantes de la fière Blé dur ont mis en place à partir de 2013 la plateforme Blé Dur, qui rassemble l’ensemble des acteurs de la recherche, du développement, et les acteurs économiques depuis la génétique, la production, la collecte et la transformation industrielle en semoule, pâtes et couscous.

Son Comité d’Orientation Stratégique (COS) permet, par le partage des acquis et la complémentarité des compétences, de décider des thèmes prioritaires à développer, en identifiant les manques de connaissances, en suscitant le montage des projets de recherche collaboratifs et innovants et en impulsant des actions de transfert et de formation pour une production française compétitive, de qualité et durable de blé dur, semoule, pâtes et couscous.

Depuis cette création, plusieurs projets de recherche ont été portés par ce collectif et financés, portant sur la génétique, la nutrition, la qualité des produits et la recherche de systèmes de production performants et plus résilients.

Cette Plateforme a notamment permis la création d’une Unité Mixte Technologique (l’UMT NOVADUR) à Montpellier, au sein de laquelle une vingtaine de chercheurs de disciplines complémentaires, de la création variétale aux produits alimentaires, du public et du privé, travaillent ensemble, sur un même lieu géographique.

Relance de la commission Blé dur de l’AGPB

Mais la filière doit faire face aujourd’hui à un contexte de prix qui se dégradent et qui impactent toute la filière.

Dans ce contexte, l’AGPB a décidé de relancer une commission de travail dédiée à cette production, afin de recenser et d’analyser, les raisons du recul de la production de Blé dur. Pour éviter le déclin de cette production, lui redonner une impulsion, plusieurs pistes peuvent être envisagées. Des discussions doivent être menées dans chaque bassin de production, afin d’identifier les freins au développement du blé dur propres à chaque région.

Les producteurs demandent par ailleurs à l’AGPB d’établir un nouveau plan d’action, pour trouver les solutions les plus adaptées pour passer ce cap difficile : au travers de la recherche, ou de la mise en place des actions du plan de filière Blé dur.

Ils souhaitent également travailler sur l’état des lieux des circuits commerciaux français, en relation avec les principaux organismes de collecte et sur les pratiques « régionales » au niveau de la contractualisation et souhaitent également engager un travail avec tous les partenaires de la filière, pour développer une stratégie de « différentiation qualitative » de la production de blé dur, en soutenant les innovations techniques et les besoins d’innovations organisationnelles, par des partenariats multi-acteurs !

Les producteurs sont conscients qu’il est nécessaire de poursuivre les actions pour une exportation soutenue et régulière de blé dur français.

Enfin, ils considèrent primordial pour l’avenir du blé dur en France, de poursuivre des actions de communication, et cela avant la campagne des prochains semis de l‘automne 2019, pour notamment « revaloriser » l’image du Blé dur.