Le CGAAER [1] a présenté le 18 juin dernier son rapport final sur les zones intermédiaires. Ces territoires, difficiles à délimiter, sont majoritairement tournés vers les grandes cultures. Un certain nombre de caractéristiques communes à ces régions ne permet pas aux exploitations de dégager suffisamment de valeur ajoutée. Le rapport tente de définir ces contraintes, et préconise des solutions.
Délimitation et identification
Le rapport du CGAAER sur les zones intermédiaires s’attèle avant tout à une tâche difficile : celle de définir les zones intermédiaires. S’il n’arrive pas à les délimiter précisément, il dresse une liste de caractéristiques communes à la majorité d’entre elles.
Il s’agit avant tout de zones orientées vers les grandes cultures, avec des potentiels de rendements moyens à faibles, du fait de sols majoritairement pierreux et de faible profondeur. Les exploitations y sont de tailles plus importantes que la moyenne nationale. Elles sont également caractérisées par une faible densité de population, avec un accès difficile aux principaux centres urbains. Sicela ne fait pas partie de la catégorisation géographique et sociale de ces zones, le rapport note tout de même que de nombreux évènements climatiques ont impacté fortement les rendements ces dernières années.
Le modèle agricole de ces zones est, selon le rapport, à bout de souffle et fragile. Il est décrit comme principalement basé sur la classique rotation colza/ble/orge, et sur une absence de plus en plus marquée de l’élevage, diminuant l’accès à la fertilisation animale. Le surinvestissement matériel est également pointé du doigt. Conjugué aux caractéristiques de ces territoires décrits précédemment, ces systèmes d’exploitationne réussissent plus à dégager suffisamment de valeur ajoutée pour les producteurs qui en vivent. La mission préconise une transformation et des adaptations des systèmes de production pour éviter d’aboutir à une impasse sur ces territoires plus sensibles aux évolutions climatiques et démographiques.
Les recommandations de la mission CGAAER
Les solutions sont diverses. Cela peut d’abord passer, selon les rapporteurs, par une optimisation du modèle actuel avec des orientations partagées entre les acteurs du territoire. Outre le besoin d’audits économiques, les nombreuses résistances aux produits phytopharmaceutiques appellent d’abord à une réduction de leur utilisation, et au passage à des techniques alternatives (biocontrôle, principes de l’agroécologie, rotations culturales plus longues…). Ils recommandent également d’optimiser les coûts de mécanisation, d’abord en limitant les surinvestissements, puis en développant les outils de gestion et de partage du matériel. La limitation du travail du sol et le passage aux Techniques Culturales Simplifiées voire à l’agriculture de conservation est aussi évoquée, et la question de la viabilité du bio est posée.
Le deuxième volet de solutions concerne les eventuelles voies de diversification des exploitations . Le rapport évoque la possibilité de construire des filières de soja non OGM dans les régions proches de zones fromagères AOC, de même que la luzerne, le chanvre, ou encore les CIVE [2] et les CIPAN [3]. Les ressources forestières pourraient également être mieux valorisées. Le rapport insiste ensuite sur la nécessité de recréer des filières animales. La volaille pourrait particulièrement bien s’intégrer sur ces territoires, à condition que les outils industriels nécessaires y soient créés. Les exploitations pourraient également se tourner vers la production énergétique (méthanisation, solaire, éolien…).
Le rapport pointe aussi les politiques publiques actuellement appliquées, qui désavantagent ces zones. Mettant l’accent sur la nécessité de projets de territoire, il préconise également une convergence des aides du 1er pilier de la PAC, les références de 1992 ayant pénaliséesces zones. De plus, la dégressivité de ces aides la mise en œuvre du prélèvement au titre des52 premiers hectares a impacté ces exploitations de grande taille. Les crédits du 2nd pilier doivent également être mieux déployés sur ces territoires. Comme l’AGPB, le rapport préconise une application du règlement « Omnibus », afin de diminuer les seuils de franchise et perte des assurances. Pour engager le changement de modèle souhaité, le rapport préconise enfin l’utilisation des fonds du Grand Plan d’Investissement, afin de soutenir des porteurs de projets de territoire pertinents en priorité sur ces zones intermédiaires.
En synthèse, la mission du CGAAER offre l’opportunité aux zones intermédiaires d’obtenir enfin des attentions particulières dans les politiques d’accompagnement agricoles. Il s’agit désormais pour les zones intermédiaires de transformer cette reconnaissance en actions concrètes notamment en profitant de l’écriture en cours du plan stratégique national pour la prochaine PAC pour faire inscrire des priorités claires en leur faveur. La voie est ouverte pour le moment, il ne faudra pas la laisser se refermer.
1 Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux
2 Cultures intermédiaires à vocation énergétique
3 Cultures intermédiaires pièges à nitrates