La pression des céréales russes doit inciter à une mobilisation collective

La matinée d’échanges organisée par France Export Céréales le 21 mars 2018 et intitulée « Renouer avec les clients, être fortement présents dans une compétition accrue » a donné l'occasion à plus de 200 représentants de la filière céréalière de débattre du poids croissant de la Russie sur les marchés céréaliers mondiaux.

Cette présence, qui résulte à la fois d'une volonté géopolitique de la Russie et d'une stratégie économique (contrebalancer la baisse des revenus pétroliers), est extrêmement marquée depuis 6 ans grâce à des rendements en hausse rapide et régulière et à l’absence d’accident climatique. La Russie s'est mobilisée pour conquérir des marchés chez les clients traditionnels des céréales françaises, profitant notamment de notre mauvaise moisson en 2016.

Les acheteurs du Maghreb et d’Afrique subsaharienne ont ainsi pu tester les origines russes dans leurs recettes en 2016-17, et ils n’ont pas redonné la priorité aux origines françaises en 2017-18 lorsque nos récoltes sont revenues à la normale. Les comparaisons qualitatives des blé français et russes, qu'il s'agisse de critères bien connus (humidité, protéines, W) ou d'autres moins souvent pris en compte dans nos exportations (gluten humide, ténacité/extensibilité et capacité d'hydratation de la farine, grigne du pain) ont ainsi mis en évidence non seulement certaines faiblesses qualitatives de nos blés mais aussi leur hétérogénéité d'une année à l'autre. La filière française dans son ensemble devra désormais fournir des efforts d'adaptation pour répondre aux exigences de ses clients africains. Trop longtemps bercée par ses habitudes de commercialisation, la filière céréalière française doit retrouver un esprit de commercial offensif qui gagnerait à être mieux accompagné par une diplomatie économique française qui néglige ses céréales, à l’inverse des Russes.

Le panorama très complet de la logistique en Russie et de ses perspectives, dressé par une représentante de la société Louis Dreyfus, a montré que, si la Russie est encore pénalisée par une logistique plus coûteuse qu'en France (mais peut-être s'agit-il aussi de centres de profit névralgiques), la France ne doit pas s’endormir sur ses lauriers, notamment en termes de capacités logistiques: des investissements importants ont eu lieu et sont en cours dans les terminaux portuaires russes.

C’est par le triptyque prix/service/qualité que la France doit chercher à se repositionner face à la concurrence, grâce à ses nombreux atouts qu’elle valorise insuffisamment. Comme pour les marchés intérieurs, les niveaux de qualité doivent faire l'objet de lots séparés et améliorés du champ à l’exportateur en évitant le "tas de blé" unique qui tire notre standard qualitatif vers le bas. Le besoin de meilleure compétitivité prix a aussi été rappelé, mais elle n’est pas suffisante. Selon Pierre Duclos, représentant du Synacomex, il est indispensable d'abandonner notre attitude récurrente de report des ventes du début de campagne, ainsi que de remettre en cause la répartition de la valeur des céréales françaises le long de la chaîne, y compris au sein des organismes stockeurs.

Cette reconquête par les céréales françaises de leur marchés d'exportation pourra s'appuyer sur nos atouts (moyens techniques et humains, accompagnement technique des clients, proximité géographique de notre hinterland et de nos clients, capacité et diversité logistique maritime), ainsi que sur les opportunités que sont la croissance forte de la demande africaine, le ralentissement prévisible de la croissance de la production russe et le répit que nous laisse le vieillissement accéléré du parc ferroviaire russe.

La mobilisation collective a permis l'élaboration en un temps record du plan de transformation de la filière, présenté en ouverture par Jean-François Loiseau, Président de l’interprofession. Elle doit nous permettre dans l'avenir de nous adapter aux changements des marchés pour conserver la valeur ajoutée de la ferme céréalière française et de toute la filière qui en vit.

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