ENTRE ENJEUX CLIMATIQUES ET DEFIS DE LA SECURITE ALIMENTAIRE MONDIALE

Pluriagri a commandité à l’INRAE, le nouvel institut né de la fusion de l’INRA et l’IRSTEA, une étude de fond avec pour objectif d’examiner, à l’horizon 2050, l’évolution des agricultures européennes sur les marchés agricoles mondiaux, tenant compte du changement climatique, du progrès génétique, de l’évolution des surfaces agricoles et des transitions alimentaires. Retour sur la restitution de l’étude lors du colloque INRAE PLURIAGRI du 14 février.

Le changement climatique a des effets sur la production agricole, qui affectent en cascade la sécurité alimentaire, les échanges mondiaux et l’environnement. Ces effets sont multiples et incertains. Dans un contexte géopolitique mouvant, dont l’instabilité pourrait être accentuée par le changement climatique, les contributions des différentes régions du monde à la sécurité alimentaire mondiale sont susceptibles d'être modifiées, les orientations agricoles et les stratégies commerciales régionales pouvant évoluer assez profondément.

En Europe comme dans les autres régions du monde, l'agriculture est confrontée au double défi que représentent la réduction de ses impacts environnementaux et le maintien d’un niveau de production suffisant pour faire face aux évolutions des demandes domestiques et mondiale en produits agricoles. Parallèlement aux modifications des conditions de production, de fortes mutations des régimes alimentaires sont susceptibles d'affecter la demande en produits agricoles. Au-delà de leur impact sur la santé des consommateurs, de telles transitions peuvent être des facteurs significatifs d'accentuation ou d’atténuation du changement climatique. C’est donc pour examiner les évolutions possibles de la place des productions agricoles européennes sur les marchés agricoles mondiaux à l’horizon 2050, compte tenu des incertitudes relatives aux effets du changement climatique et du progrès technique, des contraintes liées à l’extension des surfaces agricoles et des impacts des transitions alimentaires, que l’association PLURIAGRI a fait appel à INRAE.

Ce travail de modélisation montre qu'à l'horizon 2050, le besoin en terres cultivées de certaines régions européennes –essentiellement l’Europe de l’Est, la Pologne et l’Allemagne –pourrait diminuer par rapport à aujourd'hui compte tenu des évolutions de la demande domestique en produits agricoles et des rendements végétaux. Le «surplus de terres» dont disposeraient ainsi ces régions serait néanmoins bien inférieur à celui que pourraient dégager les pays de l'ex-URSS (et le Canada-USA en cas d'adoption mondiale de régimes alimentaires plus favorables à la santé). Il serait également trop limité pour espérer compenser l’importante expansion des surfaces cultivées dans certaines régions du monde–notamment en Afrique subsaharienne–possiblement au détriment d'écosystèmes naturels. L'Europe pourrait toutefois saisir cette opportunité, soit pour développer la culture d’oléo-protéagineux –permettant de réduire la dépendance européenne aux importations de protéines végétales en limitant la déforestation induite par l’expansion de la culture du soja (notamment en Amérique latine) –, soit pour faire évoluer ses systèmes de culture vers des systèmes agro-écologiques tout en maintenant les volumes de production nécessaires à la satisfaction de la demande. Les marges de manœuvre seraient nettement plus faibles en France, au Royaume-Uni et dans le reste de l’Europe (pays nord-européens, pays du Benelux et Irlande). Et celle de l’Europe du Sud serait vraisemblablement limitée dans un contexte où l’accentuation des stress hydriques est susceptible d’altérer les rendements. Enfin, la croissance des surfaces toujours en herbe pourrait réduire les marges de manœuvre, en Europe comme dans le reste du monde.