Pour limiter les risques de crise alimentaire liés à la guerre en Ukraine, les agriculteurs européens pourront cette année augmenter leurs surfaces productives. Une annonce malheureusement trop tardive pour espérer atteindre tout l’effet escompté.
L’invasion de l’Ukraine le 24 février par la Russie, en empêchant les exportations de céréales de ces deux pays, met en danger la sécurité alimentaire des populations pauvres de la planète, au premier rang desquelles celles des pays importateurs de céréales d’Afrique et d’ailleurs. Compte tenu des stocks mondiaux qui seront faibles au début de cet été, il est donc indispensable que la récolte mondiale attendue en 2022 et les quantités disponibles à l’exportation soit les plus élevées possibles.
Si le climat sera comme toujours le principal déterminant, tous les pays producteurs se doivent donc cette année de donner à leurs agriculteurs les moyens de produire plus de céréales. C’est pourquoi l’AGPB, en lien avec la FNSEA et les autres organisations agricoles françaises et européennes, demande depuis plusieurs semaines aux pouvoirs publics de faciliter la mise en culture d’un maximum de terres agricoles et la disponibilité des intrants nécessaires à une hausse de la production.
Nous avons été entendus sur les surfaces cultivables, puisque la Commission Européenne a dévoilé le 23 mars une dérogation européenne sur les jachères pour 2022, qui a été transposée en France le 28 mars sous forme d’un arrêté et d’une note aux OPA (ci-jointe).
2022 est la dernière année de la PAC actuelle qui, depuis 2014, impose une obligation de « verdissement » : la plupart des agriculteurs doivent consacrer au moins 5% de leurs terres arables à des « Surfaces d’intérêt écologique » (SIE), qui peuvent être aussi bien des éléments du paysage (arbres, mares…) que des jachères, des légumineuses non productives ou des cultures intermédiaires.
La dérogation prévoit que, cette année uniquement, les terres arables en herbe productive et en cultures semées au printemps de céréales, oléagineux (sauf chanvre) et légumineuses pourront être considérées comme des « jachères SIE ». Ce qui dispense les agriculteurs implantant suffisamment de cultures de printemps de l’obligation de laisser des terres en jachère ou autres surfaces improductives.
Cette dérogation devrait conduire à une légère hausse des surfaces et de la production d’herbe (pour l’alimentation animale et la méthanisation), de céréales, d’oléagineux et de protéagineux, ceci aux dépens des surfaces en jachère, en légumineuses non productives et en cultures intermédiaires.
On peut craindre toutefois que, compte tenu de son annonce tardive, cette augmentation de la production végétale soit d’une ampleur très limitée. Dans le cas où la crise mondiale se prolongerait, justifiant la reconduction d’une telle dérogation en 2023 (BCAE 8 de la future PAC), il est essentiel que l’annonce en soit faite beaucoup plus tôt dans la saison pour que les agriculteurs puissent en tenir compte dans leurs décisions de semis.
Il est également indispensable que les indicateurs proposés par la Commission européenne en 2020 dans le cadre de la proposition de stratégie « de la ferme à l’assiette », et notamment l’objectif d’interdire de production 10% de la surface agricole à l’horizon 2030, soient réactualisés pour concilier performance environnementale et impératif de production.