Protéger d’urgence le marché de l’éthanol et ouvrir celui de l’azote

A cause de la crise du coronavirus, la demande en bioéthanol s'effondre et il est urgent de protéger le marché européen de l'envahissement par les importations européennes et brésiliennes. A l'inverse, les profits de fabricants d'engrais explosent et les revenus agricoles sont en baisse. Il est urgent de mettre fin à la taxe antidumping européenne sur l'ammonitrate.

Malgré la très forte augmentation de la demande en éthanol liée au Covid-19 pour la fabrication de gels hydroalcooliques, les biocarburants, qui représentent le débouché principal (60%) de l’alcool agricole français est en crise. En effet, avec le confinement, la consommation d’essence par les automobilistes français a baissé de plus de 75%. La situation est la même dans toute l’Europe (6% de la production mondiale d’éthanol), où les prix de l’éthanol se sont effondrés et les industriels ont réduit leur production.

Chez les deux principaux pays producteurs d’alcool agricole, les Etats-Unis (plus de 50% de la production mondiale, à base de maïs) et le Brésil (près de 30%, à base de canne à sucre). Aux Etats-Unis et au Brésil, la situation est similaire et les stocks atteignent des niveaux record. Si rien n’est fait, on prévoit, mécaniquement, l’arrivée prochaine et massive d’éthanol américain et brésilien sur le marché européen.

C’est pourquoi, pour empêcher une crise après la crise dont les producteurs de grandes cultures (céréales et betterave) et les industriels du bioéthanol auraient du mal à se remettre, la filière française demande la mise en place immédiate de mesures de sauvegarde de protection du marché européen face aux importations de bioéthanol venant des Etats-Unis et du Brésil.

Le marché européen des engrais azotés, à l’inverse, est fortement protégé des importations extérieures par des droits de douanes (6,5%) ainsi que des taxes antidumping sur l’ammonitrate de Russie (33 €/tonne) instituées depuis plus de 20 ans pour protéger les fabricants européens de la concurrence extérieure. Ces barrières commerciales faussent la concurrence en forçant les agriculteurs à payer leur azote plus cher que leurs concurrents non européens (47 € de plus par tonne d’ammonitrate en 2018). A total, elles sont à l’origine d’un coût supplémentaire de 830 M€ par an à la charge des agriculteurs européens, au premier rang desquels les producteurs de grandes cultures.

La crise du Covid-19 n’a fait qu’accentuer ce phénomène, puisque les revenus agricoles vont s’en trouver encore diminués alors que, à cause de la forte baisse du prix du gaz naturel dans le sillage du pétrole, les profits des fabricants d’engrais européens explosent : ils sont passés de 8% de leur chiffre d’affaires en 2018 à … 57% au premier trimestre 2020 !

C’est pourquoi les agriculteurs européens, par la voix de l'AGPB et du Copa-Cogeca, demandent à Commission européenne de mettre fin d'urgence à la taxe antidumping qui fausse la concurrence sur le marché des engrais.