« A quoi bon être Ministre quand on ne vient pas à la rencontre des agriculteurs et qu’on ne les soutient pas ? » Ce sont les propos de Philippe Pinta lors de son discours de clôture du Congrès des céréaliers 2018 qui s’est tenu à Dijon les 31 janvier et 1er février. Entouré de 600 agriculteurs, invités, personnalités politiques, représentants d’organismes économiques et syndicaux, le président de l’AGPB a fait le bilan des débats de ces deux jours et a présenté la feuille de route 2018 des céréaliers français.
Après le mépris de l’Europe, l’année dernière suite à la récolte catastrophique et où Bruxelles n’a pas jugé nécessaire d’aider les céréaliers français, Stéphane Travert a décidé de ne pas participer au Congrès des céréaliers. « Par son absence, il a donné le sentiment d’abandon des producteurs, mais aussi de l’ensemble des représentants de la filière, de la collecte à la première transformation. » a déclaré Philippe Pinta;
COMMENT SORTIR LES CEREALIERS DE LA DIFFICULTE
Localisation oblige, il est notamment revenu sur l’accueil à Dijon par la FDSEA de Côte d’or, département emblématique, au cœur des zones intermédiaires. Ces zones agricoles dites à moindre potentiel subissent la double peine d'un contexte pédoclimatique limitant et d'un niveau d'aide à l'hectare parmi les plus bas de France et d’Europe. Les résultats économiques des producteurs de ces zones sont alarmants depuis 2013, impactant de fait l'ensemble de la filière. Ainsi au plan national, l’AGPB se mobilise depuis plusieurs années tout autant pour faire reconnaitre cette situation catastrophique que pour élaborer et insuffler des propositions opérationnelles et sortir les producteurs de ces zones d’une impasse technico économique.
Eu égard à cette situation, le Président Pinta a présenté sa feuille de route 2018 pour l’ensemble des céréaliers français, en revenant notamment sur les éléments suivants :
- Maintenir sur cette campagne le dispositif d’urgence mis en place en 2016 pour les céréaliers en difficulté.
- Doter la PAC d’un budget fort, et maintenir une PAC résolument commune ne créant pas de distorsions concurrence entre les producteurs européens.
- Définir un objectif d’aide plancher par hectare fixé au niveau de la moyenne européenne des aides des céréaliers, actuellement à 250€/ha
- Refuser tout nouveau transfert entre le 1er pilier et le 2nd. « Les filières grandes cultures ne peuvent pas continuer à être considérées comme les banquiers du système ».
- Revenir à 5% du paiement redistributif lors de la prochaine notification, par la France, en août 2018, de ses choix nationaux en matière de PAC.
- Mettre en place d’une véritable politique de gestion des risques. A très court terme, cela passe par la mise en œuvre d’une épargne de précaution, lisible, efficace et simple d’utilisation. Il s’agit d’une promesse de campagne du Président de la République.
- Abaisser le seuil de la franchise à 20% dans le cadre de l’assurance récolte comme le prévoit le règlement Omnibus. Cette amélioration doit maintenant être mise en œuvre au plus vite au niveau national sans transfert supplémentaire P1 / P2.
- Diligenter une mission officielle pour identifier les causes de la dégradation économique des zones intermédiaires, et formuler des recommandations. La France doit, par ailleurs, stabiliser le contour de ces zones dans la nouvelle cartographie des zones défavorisées.
- Retrouver un climat de confiance plutôt que de défiance et laisser place à la concertation « Parfaitement conscients des attentes sociétales, nous sommes à nous engager dans une trajectoire de progrès visant à réduire les risques et les impacts des produits phytosanitaires ! Mais il nous faut des délais raisonnables afin de pouvoir concilier nos objectifs de production, de compétitivité et de protection des plantes. » déclaré Philippe Pinta.
- Refuser toute nouvelle taxe supplémentaire notamment dans la perspective du projet de séparation de la vente et du conseil, qui déboucherait sur un conseil indépendant à la charge des agriculteurs, et à l’augmentation de la redevance pour pollution diffuse qui aurait pour vocation de financer la conversion en Bio.
UNE FILIERE ENGAGE POUR L’AVENIR
Cette feuille de route 2018 s’inscrit pleinement dans le travail au quotidien orchestré par l’AGPB au sein de la filière. C’est pourquoi cette année, deux tables rondes organisées avec des experts scientifiques et des représentants de la filière ont montré les engagements déjà pris et les projets d’avenir. Ce congrès était intitulé d’ailleurs « Une filière engagée pour l’avenir. » Tous les maillons de la filière céréalière sont mobilisés pour trouver des solutions d’avenir tout en relevant le défi de la compétitivité.
Une première table-ronde, « Protection des plantes : des solutions, pas des interdictions » a permis de faire le point sur l’état d’avancement de la recherche en matière de génétique, agronomie, biocontrôle ou robotique. Christian Huyghe a par exemple présenté l’intérêt des microorganismes et de la microbiologie des sols, tandis qu’Anne claire Vial, Présidente d’Arvalis et François Desprez ont insisté sur les récentes évolutions de la recherche en génétique végétale. Au vu de cet engagement des organismes techniques et de recherche, Éric Thirouin a rappelé toute la cohérence de la démarche Contrat de solutions, à laquelle l’AGPB a souscrit.
La seconde table-ronde intitulée « Comment concilier l’impératif de compétitivité des producteurs et les exigences de la société ? » Les producteurs sont en transition permanente pour répondre aux besoins et à la demande de leurs clients nationaux ou internationaux. Mais depuis plusieurs années, ils doivent aussi concilier avec les exigences de la société. Il faut y répondre, tout en restant compétitif... mais comment l’être avec un blé à 140€/T ? La réponse nécessite un effort collectif de la filière, pour une plus grande efficience de l'ensemble.
Sébastien Abis a souligné que la France manquait d’ambition alors qu’elle avait de nombreux atouts dans le domaine céréalier, et qu’elle avait depuis de nombreuses années montré sa capacité à répondre présente sur les marchés mondiaux, face au géant russe dont il fallait relativiser le poids. Il a insisté sur le besoin d’une diplomatie géostratégique pour faire du blé français l’arme de paix pour le bassin méditerranéen et africain. Cette table ronde a démontré que tous les acteurs de la filière sont résolument engagés pour améliorer et préserver la compétitivité du producteur au transformateur, tout en respectant les attentes de la société. Les présidents des structures composant l’interprofession Intercereales ont notamment présenté le plan de transformation de la filière céréalière, remis au Ministre en décembre dernier.
En l’absence criante du Ministre de l’agriculture au rendez-vous annuel des céréaliers, Philippe Pinta avait convié Paolo di Castro, Vice-Président de la Commission de l’agriculture et du développement du Parlement européen, et Christiane Lambert pour conclure cette édition du congrès des céréaliers 2018.
Paolo De Castro a mis en évidence le besoin d’une Europe agricole forte dotée d’une PAC résolument commune comme ciment de l’Europe, en évitant toute subsidiarité qui s’apparenterait à une renationalisation, source de fragilités pour l’Union.
Christiane Lambert est, quant à elle, revenue sur le zéro phytos, en déclamant que ce n’était « pas sérieux », « Tout changer en un clin d’œil, ça ne marche pas : c’est méconnaître le rythme, la réalité agronomique, biologique, sanitaire ». « Ceux qui pensent que demain on peut aller vers le zéro phyto trompent le consommateur », a-t-elle ajouté.