Le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères (MEAE) et le Club DEMETER ont co-organisé à Paris, le 5 juillet 2018, un Forum grand public intitulé : "L'agriculture en 3D : Défense, Diplomatie, Développement" au Centre de conférences ministériel, dans le 15ème arrondissement de Paris, présidé par Jean François ISAMBERT - Vice-Président de l’AGPB.
Dans son introduction Jean François Isambert est longuement revenu sur les nombreux défis posés à notre planète. « Pour nourrir 10 milliards d’êtres humains à l’horizon 2050, il faudra à la fois produire plus et mieux ». Le défi est immense et pourtant l’importance géostratégique des questions agricoles et alimentaires mondiales est souvent mal connue. Or l’agriculture et l’alimentation sont à la croisée de nombreux grands défis du siècle en cours : adaptation au changement climatique, avenir du libre-échange, migrations de détresse, recrudescence des conflits, inégalités hommes-femmes et place de l’Europe dans la mondialisation. Et pour relever tous ces défis, les acteurs du monde agricole et alimentaire ont un rôle à jouer !
Dans son introduction au colloque, Jean-Baptiste Lemoyne, Secrétaire d’Etat auprès du Ministre des Affaires étrangères, est revenu sur les nombreux enjeux soulevés par ce forum. « En France, à l’heure où l’on évoque la nécessité d’une action extérieure en « 3D », autour du triptyque « défense, diplomatie et développement », qui agisse en profondeur sur les causes des crises pour conjuguer sécurité à court terme et stabilité à long terme, il semble plus que jamais nécessaire de penser l’enjeu agricole à travers une approche interdisciplinaire et résolument internationale. Quelle place pour l’agriculture dans la politique étrangère de la France, sa politique commerciale, sa politique d’aide au développement ? Quel rôle pour la recherche, la formation, les entreprises et la société civile ? ».
Après lui est intervenu José Graziano da Silva, Directeur général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), sur le thème « L’agriculture et l’alimentation pour la paix dans le monde », véritable plaidoyer pour une reconnaissance du développement agricole partout dans le monde, puisque pour lui, la faim et la paix sont étroitement liées , appuyant son intervention par de nombreux exemples, reflet de situations géographiques, malheureusement bien trop souvent encore sous le feu de l’actualité.
Puis deux tables rondes se sont déroulées successivement. La 1ère table ronde avait pour thème : « Agriculture et alimentation : enjeux stratégiques du XXIème siècle ? » Elle fut introduite par Bertrand Badie, professeur des universités en sciences politiques à Sciences Po, intervenant sur le thème « L’insécurité alimentaire, facteur d’instabilités internationales », en mettant en valeur le nombre de personnes qui meurent encore de faim chaque année sur notre planète (6 à 9 millions) chiffre qui dépasse largement le nombre de victimes du terrorisme.
Après lui, Thierry Blandinières, Directeur général d’InVivo a donné sa vision sur « Quelles dynamiques de marché pour demain ? », replaçant l’agriculture française dans le contexte international, appelant à un véritable programme agricole européen sur le long terme, relativisant à l’occasion les marchés du Bio (15% des volumes totaux) eu égard à l’ensemble des autres marchés et plaidant pour une reconnexion en France de tous les acteurs à une agriculture compétitive, ouverte et innovante. Claudia Roessler, Directrice Agriculture Microsoft, lui emboitait le pas pour une intervention très remarquée sur le thème « Quelles solutions technologiques pour produire plus et mieux demain ? ».
Puis, Mamadou Goïta, agriculteur au Mali et Directeur de l’Institut de recherche et de promotion des alternatives de développement en Afrique (IRPAD), Think Tank africain à caractère scientifique et académique d’appui aux organisations paysannes est intervenu sur le thème « L’Afrique, miroir grandissant des défis agricoles et alimentaires mondiaux ». Sébastien Treyer, Directeur des programmes de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) a conclu cette table ronde sur le thème « Quelles politiques agricoles pour l’Europe après 2020 ? », appelant l’Europe à réaffirmer les valeurs du « multilatéralisme » dans les discussions internationales t à plus d’ambition pour son agriculture.
La 2ème table ronde avait pour thème : Quels rôles pour les acteurs français face aux défis alimentaires mondiaux ? Elle était introduite par Pascal Boniface, Directeur de l’Institut de relations Internationales et stratégiques (IRIS) qui avait axé son intervention sur « L’agriculture comme facteur d’influence de la France dans le monde », revenant sur le rôle de l’Union européenne et de la PAC au niveau international.
Alors que Laurent Bili, Directeur général de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international, ministère de l’Europe et des Affaires étrangères s’interrogeait sur « Quelle diplomatie agricole et alimentaire pour la France ? », Philippe Mauguin, Président-Directeur général de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) mettait en valeur les formidables résultats de « la recherche publique française face au défi agricole mondial ». Puis Jean-Yves Foucault, Président de Limagrain s’interrogeait sur « Comment conjuguer proximité et internationalisation en agriculture ? » et Pierre Jacquemot, ancien ambassadeur et Président du GRET, ONG internationale de développement axait son intervention sur « Nourrir pour faire la paix : quel rôle pour la société civile ? ».
Isabelle De Crémoux, Présidente du directoire de Seventure, fonds d’investissement spécialisé dans l’innovation a conclu cette table ronde sur le thème « Le nexus nutrition-santé : quelle innovation demain ? », mettant en valeur les actions que développe sa société dans deux domaines que sont les technologies digitales et les sciences de la vie.
Stéphane Travert, Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation est venu clore ces travaux, se réjouissant de la tenue d’un tel forum et de la qualité des échanges. Il a souhaité mettre en valeur les valeurs de notre pays qui « demeure une grande puissance agricole dont les fondements sont solides : un climat et un environnement propices à une grande variété de productions, une agriculture compétitive, des fleurons agro-industriels d’envergure internationale, une recherche agronomique publique et privée de pointe, un enseignement agricole et agronomique de haut niveau, un patrimoine alimentaire mondialement reconnu. Pour le Ministre, c’est donc à la lumière de ces atouts qu’il convient d’apprécier la place de la France face au grand défi de l’agriculture de demain.
Les organisateurs de ce forum peuvent se réjouir de l’intérêt suscité par les nombreux intervenants et la richesse des interventions et des thèmes traités, que d’aucuns considéraient déjà trop vite du passé.