Alors que la présidence portugaise ambitionne de finaliser les arbitrages sur la PAC durant son mandat et que les discussions s’accélèrent au niveau national pour définir le Plan Stratégique National (PSN), les Présidents des Associations de grandes cultures : l’AGPB, l’AGPM, la CGB et la FOP en appellent à une PAC équilibrée qui soit réellement au service de la souveraineté de la France et de l’Europe.
La souveraineté alimentaire a été remise au cœur des préoccupations de nos dirigeants et de nos concitoyens à la lumière de la crise sanitaire que nous traversons depuis un an maintenant. Nos filières de production n’ont jamais cessé d’alimenter nos marchés, qu’ils soient locaux ou internationaux, démontrant ainsi leur performance et leur organisation dans tous les territoires. Céréales, oléagineux, protéagineux, betteraves, sont à la source d’importantes chaines de valeurs, des collecteurs de grains, aux élevages et industries des premières et secondes transformations, sans oublier l’export vers l’Europe ou le reste du monde. Nos productions couvrent 22 % du territoire, génèrent 21 milliards d’€ de valeur ajoutée et génèrent 460 000 emplois. Elles contribuent également à lutter contre le changement climatique en absorbant de grandes quantités de CO2 et en restituant du carbone dans les sols.
Moins d’un smic par an !
Malheureusement, en dépit de son excellence et sa performance technique et sanitaire, notre agriculture est exsangue. Avec moins d’un smic en moyenne par an ces 8 dernières années, les revenus moyens des producteurs de grandes cultures sont historiquement bas. C’est purement intolérable ! Dirigeants et citoyens doivent en prendre conscience : les artisans de leur alimentation, de leur énergie verte et de leurs matières premières naturelles, ne gagnent pas leur vie. Comment en sommes-nous arrivés là ?
D’abord, le secteur des grandes cultures a fait les frais de choix purement politiques et idéologiques lors des deux précédentes réformes de la PAC : c’est une somme faramineuse d’1 milliard d’euros par an de perte directe pour les grandes cultures par rapport à 2007 ! Aujourd’hui, en moyenne, les aides aux exploitations de grandes cultures sont inférieures de 30% au montant moyen des aides en France.
Ensuite, le potentiel de production français est aujourd’hui mis en difficulté par une avalanche de contraintes, de limitations, voire la disparition des moyens nécessaires au développement et à la protection des cultures. L’accès à l’innovation reste également hypothétique dans un contexte de défiance généralisée alors que notre alimentation est connue pour être l’une des plus sûres au monde.
Rappelons que les aides de la PAC sont octroyées aux agriculteurs en contrepartie de leur engagement pour l’alimentation de nos concitoyens et de la transition agroécologique. Elles sont indispensables, non seulement aux revenus des exploitants, mais surtout à la pérennité d’une agriculture française capable de nourrir toute la population et pas seulement les plus aisés.
Arbitrages à haut risque en préparation
Alors, à la veille d’arbitrages majeurs sur le PSN pour la période 2023-2027, nous alertons avec force tous les acteurs sur les dangers pour la pérennité de nos filières céréalière, sucrière ou oléoprotéagineuse.
Les propositions des services du Ministère mises sur la table dans le cadre du PSN risquent de pénaliser à nouveau les exploitations de grandes cultures : rythme de la convergence des aides, taux de paiement redistributif, accès à l’éco-régime, … autant d’orientations délétères pour nos productions. Nous demandons une PAC basée sur une approche économique et responsable, intégrant des dynamiques de filières et de territoires. Aussi, nos demandes sont les suivantes.
- Le revenu des producteurs de grandes cultures doit être sécurisé par les aides du premier pilier, l’augmentation des transferts vers le second pilier doit donc cesser.
- La convergence des aides doit être limitée et compensée pour les situations les plus impactées.
- Les aides couplées doivent être adaptées afin de compenser les effets de la convergence et favoriser la structuration des filières, voire par le développement de programmes opérationnels.
- L’éco-régime, destiné à accompagner la transition agroécologique, doit être accessible à tous et sans distinction de modèles, avec la reconnaissance de schémas de certifications tels que la certification environnementale de niveau 2 et la certification maïs. Aussi, la certification des pratiques, telle la certification environnementale de niveau 2, la certification maïs, comme le recours à des pratiques agronomiques vertueuses doivent permettre l’accès à ces programmes.
- Le taux du paiement redistributif doit être limité à 10 % et s’appliquer jusqu’à la dimension moyenne des exploitation françaises (63 ha).
- Une protection des exploitations face à la multiplication des aléas grâce au développement des outils de gestion des risques et plus particulièrement de l’assurance climatique, avec un déclenchement dès 20 % de pertes (Omnibus).
- Un soutien amplifié à l’investissement pour les exploitations de grandes cultures afin de favoriser les transitions.
Nous attendons du ministre de l’Agriculture une position claire en faveur d’une agriculture forte, productive, structurée et organisée, porteuse de valeurs pour nos territoires et au service de l’ambition de notre pays en Europe et dans le monde. Bref une agriculture durable dans toutes ses composantes : le respect de l’environnement et la préservation du climat, une économie saine, et une utilité sociale. Cette durabilité passe d’abord par celle de nos exploitations. Il est urgent que nos dirigeants en prennent pleinement conscience et arrêtent de les ponctionner au profit de modèles décroissants, fantasmés et en totale inadéquation avec les enjeux démographiques et climatiques de notre temps.
Daniel Peyraube, Président de l’AGPM
Éric Thirouin, Président de l’AGPB
Franck Sander, Président de la CGB
Arnaud Rousseau, Président de la FOP
Tribune diffusée sur ACTUAGRI le 23/03/21