Une étude du service de recherche du Parlement européen conclut que les produits phytopharmaceutiques sont nécessaires pour garantir la sécurité alimentaire et la biodiversité et que l’agriculture biologique n’est pas toujours un choix pertinent.
Selon l’étude que nous résumons ici, les changements dans l'utilisation des terres sont de loin le principal moteur de la perte de biodiversité, donc seule une augmentation des rendements à l’échelle mondiale permettra de garantir la sécurité alimentaire dans le futur. Pour cela, l’utilisation de produits de protection des plantes (PPP) est nécessaire, et pourra être améliorée grâce au numérique et à l’amélioration génétique (NBT). L’agriculture biologique nécessite plus de terres que l’agriculture conventionnelle car elle est moins productive. Son impact sur la biodiversité est important, ce qui n’en fait pas toujours un choix pertinent.
Les points clés de l’étude
Le Service de recherche du Parlement européen a publié le 4 mars 2019 à Bruxelles une meta-analyse, réalisée à sa demande par Wannes Keulemans, Dany Bylemans et Barbara De Coninck de l’Université Catholique de Louvain et intitulée « L’agriculture sans produits de protection des plantes : peut-on cultiver sans utiliser d’herbicides, de fongicides et d’insecticides ? » (lien, en anglais). La principale conclusion est qu’il ne sera pas possible de se passer des produits de protection des plantes (PPP) sans que cela représente une menace pour la sécurité alimentaire des 11 milliards d’êtres humains qui peupleront la planète en 2100.
En effet, selon le rapport, les changements dans l'utilisation des terres sont de loin le principal moteur de la perte de biodiversité, ainsi que des émissions de gaz à effet de serre liées à l’agriculture (à travers le déstockage de carbone dans les sols). Ce qui entraîne des effets dramatiques sur les écosystèmes planétaires, notamment le changement climatique et la perte de biodiversité. C’est pourquoi il n’est pas possible d’envisager une augmentation de la production alimentaire mondiale – nécessaire pour faire face à la croissance démographique – par l’accroissement des surfaces cultivées. Selon la littérature scientifique, la seule solution pour assurer la sécurité alimentaire de l’ensemble de la planète dans les années à venir est d’augmenter le rendement mondial – ce qui revient à maintenir les rendements dans les régions les plus ‘performantes’ telle que l’Europe de l’Ouest et à les augmenter dans les autres régions du monde.
Or, selon les auteurs, une non utilisation des PPP entraînerait une baisse des rendements. Les PPP sont donc nécessaires, mais le rapport précise que la question reste ouverte sur la possibilité de réduire l’utilisation de PPP sans diminuer les rendements. A priori, la tendance générale indique que cela serait possible dans le cas d'une utilisation (très) élevée de PPP, mais pas si leur utilisation est faible.
Le rapport précise également que bien que les PPP puissent avoir des effets indésirables (sur la biodiversité par exemple), la corrélation n’est pas toujours bien étudiée, et il semble que l’accroissement des surfaces cultivées cause davantage de dommages à la biodiversité. Ainsi, selon les auteurs, l’agriculture biologique n’est pas toujours un choix pertinent car, étant moins productive (approximativement -25% par rapport à l’agriculture conventionnelle), elle utilise plus de terre au détriment de la biodiversité.
Enfin, le rapport explique que l’agriculture de précision et la sélection variétale – que ce soit via les techniques traditionnelles, les OGM ou les NBT – sont autant d’outils qui permettront de réduire l’impact des PPP sur l’environnement et la santé. Mais envisager une réduction de l’utilisation des PPP n’est réaliste que si le risque de diminution de rendement est acceptable pour l’agriculteur.
Autres éléments du rapport
Le rapport traite également la question du rapport du grand public aux PPP. Les auteurs rappellent que les PPP mis sur le marché dans l’UE respectent des évaluations des risques très strictes, basées sur des faits scientifiques et une forte marge de sécurité (facteur 100). Les coûts d’homologation des PPP ont ainsi presque doublé entre 1995 et aujourd’hui. Ce qui garantit un niveau de risque très inférieur aux autres risques auxquels les humains sont exposés au quotidien.
De plus, les techniques d’application des PPP ont été considérablement améliorées ce qui contribue également à diminuer leurs impacts sur l’environnement et les risques pour les utilisateurs.
Enfin, la perception selon laquelle les PPP naturels, tels que ceux qui sont utilisés en agriculture biologique, seraient moins toxiques et laisseraient moins de résidus, ne correspond pas toujours à la réalité.
Sous l’effet du durcissement de l’évaluation des substances et de l’adoption de la protection intégrée, l’évolution récente en Europe est positive pour l’environnement car les molécules sont plus sélectives (d’où moins d’effets sur les organismes non cibles), moins persistantes, et utilisées de manière plus curative et moins préventive. Mais le paradoxe est que, à cause de traitements plus spécifiques et moins persistants, cette évolution favorable ne conduit pas nécessairement à une baisse de l’usage des PPP (exprimé en nombre d’applications ou en quantité de substances actives par hectare). D’où la difficulté pour l’agriculture intégrée de communiquer un signal clair aux consommateurs, à l’inverse de l’agriculture biologique dont la perception dépasse les promesses.
Conclusions des auteurs
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Nicolas Ferenczi, nferenczi@agpb.fr